Après les convois de la liberté, les convois de la colère ?

Un train peut en cacher un autre. Ce petit panneau de la SNCF que l’on trouve sur les passages à niveau sans barrières incite les automobilistes à redoubler de prudence. Le gouvernement ferait bien de tenir compte de ce conseil de prudence s’il ne veut pas voir le peuple descendre dans la rue.

Car il faut être aveugle et sourd comme un ministre de ce gouvernement pour ne pas entendre la colère qui gronde dans le pays. Parler de « convois de la honte et de l’égoïsme » pour discréditer les « convois de la liberté » comme l’a fait Clément Beaune, secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, en dit long sur le mépris de la caste au pouvoir et son incompréhension vis-à-vis du niveau d’exaspération de l’opinion. Au lieu d’être à l’écoute du désespoir de ces Français qui expriment une vraie souffrance le pouvoir a pris le risque de l’épreuve de force en interdisant une manifestation qui se voulait pacifique. Il a fait monter la tension en annonçant la présence d’engins blindés de la gendarmerie et en menaçant de lourdes sanctions, allant de l’amende jusqu’à la saisie des véhicules, ceux qui tenteraient de s’opposer au diktat gouvernemental. A vouloir afficher sa volonté de « fermeté » Jean Castex a au contraire montré sa faiblesse. Au lieu de calmer le jeu, il a joué avec le feu.

Et le résultat on l’a vu ! Malgré la mise en place d’un très important dispositif de maintien de l’ordre de 7 000 policiers et gendarmes, des opérations de filtrage sur les autoroutes et un bouclage des portes de Paris, les opposants qui protestaient tout à la fois contre le passe vaccinal, la hausse du prix des carburants et la baisse du pouvoir d’achat ont cependant réussi à s’infiltrer dans la capitale en état de siège pour gagner les Champs-Elysées. Plus de neuf heures d’affrontements ont opposé policiers et manifestants sur la plus belle avenue du monde transformée en champ de bataille tandis que la circulation était bloquée sur le périphérique parisien.
Comment en est-on arrivé là ? Où va-t-on ? En cette fin de quinquennat le pouvoir s’affole. Les ministres perdent leurs nerfs, à l’instar de Gérald Darmanin face à Appoline de Malherbe sur BFM tv. L’heure est venue de dresser un bilan, de rendre des comptes aux Français qui vont devoir faire un choix capital dans les semaines qui viennent. Or, force est de constater que les chiffres ne sont pas bons. La France s’appauvrit de plus en plus. Elle se classe au 23e rang mondial pour sa richesse par habitant alors qu’elle était au 11e rang dans les années quatre-vingt. Le solde de la balance commerciale est déficitaire de manière continue depuis 2003. En revanche le poids des prélèvements obligatoires ne cesse d’augmenter. Ils représentaient 44,5% du PIB en 2020 alors que la moyenne de l’Union européenne se situe à 40%. Malgré les récentes baisses d’impôts la France est, devant le Danemark, le pays où la pression fiscale est la plus forte au monde. Un bien triste record !

De mauvaises nouvelles

Dans le même temps les Français constatent avec tristesse et colère la disparition des services publics de proximité dans les territoires ruraux. On leur annonce la réduction des horaires de la poste, la suppression prochaine du centre des impôts. De mauvaises nouvelles qui s’ajoutent à la fermeture des commerces de village et au départ à la retraite du médecin de famille qui n’a pas trouvé de remplaçant.
Leurs salaires, eux, n’ont pas augmenté face à une inflation galopante. Quand aux retraités du public comme du privé, ils attendent depuis des années la revalorisation de leurs pensions.
On croyait les Français résignés depuis la révolte des Gilets jaunes étouffée par la crise sanitaire du Covid 19. Leur colère n’attendait qu’une occasion pour s’exprimer. La hausse des tarifs de l’énergie, la montée en flèche du prix des carburants et celle des denrées alimentaires a servi de détonateur au peuple las de toujours subir pour n’avoir en retour que le mépris de l’exécutif pour ces « gaulois réfractaires ». Ces « gens qui ne sont rien » et qui refusent obstinément de recevoir un vaccin censé les protéger contre le virus, tout en leur évitant de contaminer les autres. Ces non-vaccinés dont Macron avait décidé de faire des sous citoyens afin de les « emmerder jusqu’au bout ».

Comment s’étonner dès lors que ceux-ci s’organisent pour faire entendre leurs voix, montrer qu’ils existent et qu’ils ont le droit de vivre ? Une manifestation festive et joyeuse de braves gens venus en véhicules de toute la France et qui a bénéficié de nombreuses marques de sympathie tout au long des routes empruntées par ces « convois de la liberté ». Pas plus que pour les Gilets jaunes le pouvoir n’a pas su répondre à leurs légitimes et pacifiques revendications. Il a eu tort ! les prochaines manifestations risquent d’être moins pacifiques ! Au convois de la liberté succéderont demain les convois de la colère d’un peuple qui ne veut plus être maltraité par ses dirigeants.