Business France : Muriel Pénicaud sera-t-elle le bouc émissaire de l’affaire ?

Le filet se resserre autour de Muriel Pénicaud. Une information judiciaire contre X a été ouverte le 7 juillet par le parquet de Paris pour « favoritisme et recel de favoritisme » et confiée à trois juges d’instruction du pôle financier.

L’affaire dont nous avons déjà parlé et qui risque de coûter son portefeuille à la ministre du travail se situe dans le cadre du Consumer Electronics Show(CES). La grande messe mondiale de l’innovation technologique qui s’est déroulée à Las Vegas en janvier 2016.

Business France, l’organisme de promotion des entreprises françaises à l’étranger placé sous la tutelle du ministère de l’Economie et des Finances qu’elle dirigeait alors avait été sollicité pour organiser une soirée French tech. Plus de 500 personnalités du monde des affaires et dirigeants de start-up françaises participaient à l’événement dont l’invité vedette n’était autre que le fringant Emmanuel Macron, le ministre de l’Economie en personne. « Cette opération de séduction montée dans l’urgence à la demande expresse du cabinet du ministre a été confiée au géant Havas par Business France sans appel d’offres » explique le Canard Enchainé qui dévoile l’affaire en mars dernier.

Lancée en pleine campagne des présidentielles, l’information fait l’effet d’une bombe car la soirée a tout de même coûté aux finances publiques la bagatelle de 380 000 euros dont 100 000 rien qu’en  frais d’hôtel. L’inspection générale des Finances (IGF) qui s’était emparée du dossier, soupçonnant un délit de favoritisme, rend son rapport le 8 mars dernier. Il est suffisamment alarmiste pour que le parquet de Paris ouvre une information préliminaire dés le 13 mars pour « Favoritisme, complicité et recel de favoritisme ».

Le camp Macron s’affole et tente d’éteindre ce qui pourrait devenir un incendie ravageur pour celui qui monte dans les sondages : « M. Macron n’est absolument pas concerné par ces soupçons » jure son entourage. Le candidat, lui, se montre plus prudent : « Je n’ai pas pris connaissance de cela, mais je ne pense pas que ce soit mon ministère qui ait organisé un événement sans appel d’offres » dit-il.

Opération montée dans l’urgence

L’enquête judiciaire progresse. Des perquisitions ont lieu le 20 juin dans les locaux de Business France et de Havas. Les policiers saisissent plusieurs dizaines d’e-mails qui démontrent que l’opération a été montée dans l’urgence et que le cabinet d’Emmanuel Macron à Bercy s’est montré particulièrement insistant.

Un e-mail intéresse plus particulièrement les enquêteurs. Il émane de Fabienne Bothy-Chesneau, directrice de la communication de Business France. Daté du 11 décembre 2015, soit plusieurs semaines avant l’événement, il laisse supposer que Muriel Pénicaud a été alertée sur les risques qu’elle prenait. « Muriel briefée par nos soins ne fait rien. Donc elle gérera aussi quand la Cour des comptes demandera des comptes à Business France. Ce ne sera pas faute d’avoir dit et redit ».

En apprenant vendredi 7 juillet l’ouverture de l’information judiciaire, la ministre du travail s’est contentée de déclarer qu’elle n’avait « rien à se reprocher » et qu’elle attendait « sereinement les conclusions » de la justice. Pour l’instant, elle peut compter sur le soutien du gouvernement. Il appartient à la justice d’établir les responsabilités dans cette affaire et de dire qui savait quoi.

Les enquêteurs vont devoir préciser la part de responsabilité des différents protagonistes et notamment des membres du cabinet ministériel d’Emmanuel Macron qui ont mis une pression telle sur la directrice de Business France, qu’elle s’est (peut-être) trouvée contrainte dans la précipitation d’enfreindre les règles de l’appel d’offres. La question étant de savoir si elle était en mesure de dire non. Que peut un organisme public face à la volonté d’un ministre ?

Quoi qu’il en soit la mise en examen pour délit de favoritisme de Muriel Pénicaud, qui parait inéluctable du seul fait que les règles de la commande publique n’ont pas été respectées, tombe au plus mal pour l’exécutif alors que la ministre est en charge de la refonte complète du délicat dossier du code du travail.

Un devoir de vacances qu’elle doit boucler en moins de 3 mois. C’est le 20 septembre au plus tard, en effet, que doivent être publiées les ordonnances.