C’était en octobre 1989, souvenez-vous ! le principal d’un collège de Creil interdisait l’accès en salle de cours à trois élèves voilées. Ainsi débutait « l’affaire des foulards » qui allait provoquer une polémique nationale.
Trente après, presque jour pour jour, le tollé que suscite l’intervention de Julien Odoul au conseil régional de Bourgogne-Franche Comté montre que le problème est toujours d’actualité. Voyant arriver une femme voilée avec des élèves venus assister à la séance plénière le président du groupe Rassemblement national interpelle la présidente socialiste afin qu’elle « demande à l’accompagnatrice, au nom de nos principes laïques, de bien vouloir retirer son voile islamique de cette enceinte démocratique ». Devant le refus de la présidente qui s’appuie sur la loi et le règlement intérieur les élus RN quittent alors la séance.
L’incident largement relayé par une vidéo sur les réseaux sociaux va enflammer la classe politique et montrer les divisions au sein même des partis. Et d’abord au RN où l’intervention de Julien Odoul suscite des réactions diverses. Si plusieurs membres du bureau politique comme Gilles Pennelle, président du groupe RN au conseil régional de Bretagne, ou Jean Messiha, lui apportent leur soutien « face à la provocation d’une femme voilée », d’autres comme Nicolas Bay, se montrent plus réservés.
Invité dimanche de « Questions politiques » sur France info, le député européen parle de « maladresse d’un jeune élu régional » avant de dénoncer des « propos inutilement blessants et agressifs ». Un désaveu surprenant de la part de l’ancien secrétaire général du Front national, d’autant que dans son intervention Julien Odoul s’est montré courtois et respectueux à l’égard de la présidente de région.
Voix discordantes
Même cacophonie au sein de la majorité où des voix discordantes se sont fait entendre. « Le voile n’est pas souhaitable… et n’est pas conforme à nos valeurs. Ce que cela dit sur la condition féminine n’est pas acceptable » déclare Jean-Michel Blanquer le ministre de l’Education nationale. Lundi sur France Info, Bruno Le Maire est sur la même ligne. Pour le ministre de l’Economie et des Finances le voile est « légal, mais pas pour autant souhaitable ». Marlène Schiappa qui avait été la première à réagir dès vendredi dernier vole étonnamment au secours de la voilée. Sur twitter la secrétaire d’Etat en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes estime que « c’est en humiliant les mères publiquement devant leurs enfants qu’on crée le communautarisme ».
Sibeth N’diaye, porte-parole du gouvernement, n’est pas en reste. Dimanche sur France 3 elle affirme : « Je n’ai pas de difficultés à ce qu’une femme voilée participe à une sortie scolaire ». Des prises de position contradictoires qui montrent qu’au sein même du gouvernement la question du port du voile fait débat et que le vernis du nouveau monde voulu par Macron se fissure face à l’ancien clivage gauche-droite.
Quoi qu’on puisse en penser, l’intervention filmée de Julien Odoul, largement reprise et visionnée sur les réseaux sociaux relance de manière spectaculaire la question du port du voile islamique en France. Venant quelques jours après le débat sur l’immigration voulu par Emmanuel Macron lui-même elle est de nature à creuser un peu plus les fractures apparues lors des discussions au sein du groupe des députés LREM. Surtout elle met le doigt sur un sujet qui s’invite régulièrement dans l’actualité.
Si la loi du 15 mars 2004 interdit « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse », elle ne s’applique pas aux mères qui accompagnent des enfants lors des sorties scolaires. Ce que confirme la Halde dans une délibération du 15 mars 2007. « La Haute autorité rappelle que ni le principe de laïcité, ni celui de neutralité du service public ne s’opposent a priori à ce que des mères d’élèves portant le foulard collaborent, en leur qualité de parents, au service public de l’enseignement dans le cadre d’activités éducatives et de sorties scolaires, le refus de principe apparaissant susceptible de caractériser une discrimination dans l’accès à une activité bénévole fondée sur la religion ».
En résumé toute interdiction du voile constituerait une atteinte à la liberté religieuse et une pratique discriminatoire. La Halde considère que les parents d’élèves sont des usagers du service public et non des agents publics et ne sont donc pas soumis au principe de laïcité et de neutralité des services publics.
Mais trois ans plus tard, en mars 2010, le Haut conseil à l’intégration (HCI) rend une série de recommandations relatives à l’expression religieuse dans les espaces publics de la République. Le HCI préconise « l’adoption de mesures législatives afin de faire respecter le principe de laïcité à tous les collaborateurs occasionnels d’un service public » et notamment aux « accompagnatrices scolaires des écoles, collèges et lycées publics ». Des recommandations qui sont toujours lettre morte dix ans plus tard. Si elles avaient été suivies à l’époque sous la présidence de Sarkozy, la question du voile ne se poserait plus aujourd’hui.
L’extrême prudence des Sages
Reste que c’est sur l’avis consultatif du Conseil d’Etat rendu en décembre 2013 que s’appuient les défenseurs du voile islamique. Un avis qui ne tranche pas la question et fait montre d’une extrême prudence de la part des Sages. « Les exigences liées au bon fonctionnement du service public de l’éducation peuvent conduire l’autorité compétente, s’agissant des parents qui participent à des déplacements ou des activités scolaires, à recommander de s’abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses ». Une manière de se déclarer incompétent devant ce vide juridique et de renvoyer la responsabilité de la décision aux responsables d’établissements scolaires.
Faut-il que la loi de 2004 sur l’interdiction des signes religieux dans les établissements scolaires soit étendue aux accompagnatrices voilées ? Cela peut paraître normal. Les sorties scolaires et éducatives ne font-elles pas partie intégrante de l’enseignement ? Il est urgent que le gouvernement s’empare de ce dossier d’une brulante actualité. Face à un islam conquérant qui avance doucement ses pions, l’heure est à la fermeté et au rétablissement de l’autorité de l’Etat mise à mal ces dernières années.
C’est d’ailleurs ce que demandent les Français. Une enquête de l’Ifop publiée le 14 octobre et réalisée avant l’incident du conseil régional de Bourgogne – Franche-Comté indique que 66 % des Français sont pour l’interdiction du voile islamique lors des sorties scolaires.
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