Ils s’appelaient Yann, Alain, Dimitri. Rien ne les prédestinait à devenir un jour des héros. Et pourtant ! Embarqués sur un canot de la SNSM ces trois sauveteurs ont payé de leur vie leur engagement de porter secours à toute vie humaine qui se trouve en danger en mer.
L’acceptation d’un sacrifice absolu, désintéressé, permanent. Des missions menées par tous les temps, de jour comme de nuit, pour assurer la sécurité des marins-pêcheurs, comme des bateaux de plaisance ou des vacanciers sur les plages. D’authentiques héros qui dans la discrétion agissent bénévolement et gratuitement au service de leurs semblables.
Quand ils sont montés dans leur embarcation les sept marins qui en composaient l’équipage partaient pour une mission de routine. Certes la mer était mauvaise, mais ils en avaient vu d’autres. De toute façon ils n’avaient pas le choix. Le devoir les appelait. Ils avaient reçu l’appel de détresse d’un pêcheur. Un imprudent qui avait pris la mer alors que tous les bateaux rentraient au port pour se mettre à l’abri de la tempête Miguel annoncée par la météo.
Mais ce jour-là la mer allait se montrer la plus forte. S’élançant à l’assaut des éléments déchainés, le canot de la SNSM des Sables d’Olonne affronte des vagues de six à huit mètres de hauteur. Chaque homme est à son poste, conscient de sa mission. Le bateau n’est pas récent, mais il est conçu pour être insubmersible et auto-redressable. Il n’y a donc rien à craindre. Sauf que cette fois-ci les choses ne vont pas se dérouler comme d’habitude. Les vitres implosent sous la violence des vagues, la passerelle est disloquée et l’embarcation qui s’est remplie d’eau est devenue incontrôlable. Roulée par les vagues elle s’est par deux fois retournée jetant l’équipage par-dessus bord. Si quatre de ses membres ont pu regagner la côte par leurs propres moyens, Yann, Alain, et Dimitri vont périr noyés. Ils n’ont pas eu « cette putain d’étoile » comme le dira les larmes aux yeux David, l’un des rescapés, traumatisé par le cauchemar qu’il vient de vivre.
Un sacrifice qui vaudra aux trois victimes d’être décorées de la légion d’honneur… à titre posthume. Mais les autres, les survivants, pourquoi n’ont-ils pas droit, eux aussi, à la reconnaissance de la nation ? Faut-il donc mourir pour être considéré comme un héros ?
Don de soi
Mettre sa vie en danger pour sauver son prochain, c’est ce que font aussi au quotidien les soldats du feu. Un don de soi que résume leur devise « Sauver ou périr ». Si la plupart des interventions se déroulent sans problème, il arrive, malheureusement que certaines virent au drame. Comme ce fut le cas à Paris, rue de Trévise, début janvier, quand deux jeunes pompiers, Simon 28 ans et Nathanaël 27 ans, sont morts dans une explosion due à une fuite de gaz alors qu’ils luttaient contre l’incendie d’un immeuble d’habitation. Un drame qui n’est malheureusement pas exceptionnel. Sait-on que 102 pompiers sont morts en service depuis 10 ans !
Souvenons-nous aussi de ces deux commandos marine qui ont offert leur vie, au mois de mai, au Burkina Faso. Cédric et Alain sont tombés lors de l’assaut donné pour la libération de deux compatriotes enlevés quelques jours plus tôt. « Rien n’est plus important que la mission. Rien n’est plus précieux que la vie des otages » a déclaré le chef de l’Etat lors de l’hommage national qui leur a été rendu aux Invalides. Leur mission était de ramener vivant les otages coûte que coûte. Ils savaient qu’ils risquaient leur vie. L’opération a été un succès. Ils ont rempli leur mission en libérant les otages. Au prix de leur propre vie ! Sublime témoignage que celui rendu par ces soldats d’élite qui en toute connaissance de cause ont considéré que la vie de leur prochain était plus importante que leur propre existence. Y-a-t-il plus noble définition de l’héroïsme ?
Donner sa vie pour sauver celle d’un otage, c’est aussi ce qu’à fait le colonel Arnaud Beltrame. Ce drame qui a bouleversé la France restera à jamais dans les esprits. D’une autre nature que les précédents il nous ramène à une autre réalité, celle de la guerre qui nous est faite, sur notre sol, par les islamistes. Le 23 mars 2018, cet officier de la gendarmerie s’est volontairement substitué à une otage au Super U de Trèbes dans l’Aude. Le terroriste qui se réclamait de l’Etat islamique venait d’abattre deux personnes dans le magasin. C’est au terme de longues négociations que le colonel Beltrame s’est proposé pour prendre la place de Julie, une caissière de 40 ans, dernier otage du djihadiste.
Terrible corps à corps
Sans doute pensait-il obtenir par la persuasion la reddition de celui-ci. A défaut, il croyait sans doute qu’il parviendrait à le désarmer. Mais, rien ne se passe comme prévu. Au cours d’un terrible corps à corps le colonel est blessé de plusieurs coups de feu à divers endroits du corps. Mais c’est d’une grave blessure causée par une arme blanche à la trachée et au larynx qu’il décédera dans la nuit du 23 au 24 mars. L’émotion est considérable en France. Un hommage national est rendu aux Invalides à ce héros des temps modernes.
Depuis cette tragédie plus de 150 communes ont voulu honorer la mémoire du colonel Beltrame en donnant son nom à une rue, à une place ou à un établissement scolaire. L’historien Christophe Carichon auteur de l’ouvrage « Arnaud Beltrame, gendarme de France » (Editions du rocher) explique : « Il y a eu une forme de sidération après cet acte. Les Français se sont sentis fiers. C’est un homme simple, de notre temps, qui a fait quelque chose d’extraordinaire. Les gens ont besoin de repères comme cela, de modèle et de héros ». Victor Hugo avait une vision encore plus large de l’héroïsme du quotidien lorsqu’il écrivait : « La vie, le malheur, l’isolement, l’abandon, la pauvreté sont des champs de bataille qui ont leurs héros ; héros obscurs plus grands parfois que les héros illustres ».