La côte de boeuf va-t-elle disparaître de nos assiettes ? Serons nous privés de compote de pommes et de cidre ? Pourrons-nous encore savourer des omelettes ? Le monde paysan est lui aussi victime de la crise économique.
Le métier n’attire plus les jeunes. Les agriculteurs qui souhaitent prendre leur retraite ne trouvent pas de repreneur. Même les enfants hésitent à reprendre la ferme de leurs parents. La vie d’un éleveur bovin n’a rien d’une sinécure. Pas question de compter ses heures dans une journée tout entière consacrée à s’occuper des animaux.
Résultat, en dix ans le cheptel français s’est réduit comme peau de chagrin. La France a perdu 837 000 bovins depuis 2016 dont 500 000 vaches allaitantes. Selon l’institut de l’élevage, la production française de viande bovine a chuté de 4,7% en 2022 et va reculer de 1,6% en 2023. Ce sera la troisième année de repli de la production française de viande bovine. Pour répondre à la demande il faut importer de la viande étrangère. Les importations ont bondi de 6% en 2022.
« Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France » affirmait le ministre Sully en 1638 rendant ainsi un hommage appuyé à la paysannerie française. Si la France reste le premier pays de l’Union européenne pour la production végétale et animale devant l’Allemagne avec 18% de la production, les signaux d’alerte se multiplient. Récemment on a pu assister au triste spectacle d’arrachage de pommiers dans le Tarn-et-Garonne. Les producteurs de pommes réclament une revalorisation de 20 centimes du kilo. Une augmentation que refuse la grande distribution qui préfère acheter les fruits à des pays comme la Pologne ou l’Italie dont les coûts de production sont inférieurs aux nôtres. Cherchez l’erreur !
Même la production d’œufs est menacée. Devant la hausse des coûts les éleveurs réclament une augmentation comprise entre 1 et 1,5 centime par œuf pour s’en sortir. « Sans cette revalorisation de nombreuses activités d’élevage vont s’arrêter » prévient la confédération française de l’aviculture. Un risque de pénurie aggravé par la grippe aviaire qui a décimé les élevages. Rien qu’en 2022 il a fallu abattre entre 20 et 25 millions de volailles alors que la demande en œufs se fait plus forte. Du fait de l’augmentation du coût de la vie, nombre de consommateurs ont remplacé la viande bovine devenue trop chère par les œufs ou le poulet.
Vendre à perte
La situation des producteurs français est difficilement tenable. Pris entre l’inflation d’un côté et la grande distribution qui prétend défendre les consommateurs en s’opposant aux augmentations demandés par l’industrie agro-alimentaire, ils n’ont plus assez de marge pour poursuivre leur exploitation. Quand ils en ont une ! Certains étant contraints de vendre à perte.
La France compte aujourd’hui 390 000 exploitations agricoles. Plus de 100 000 fermes ont cessé leur activité entre 2010 et 2020, soit une moyenne de plus de 27 fermes par jour. En parallèle le nombre d’agriculteurs et d’agricultrices a diminué. Les exploitants agricoles étaient au nombre de 604 000 en 2010. Dix ans plus tard ils n’étaient plus que 496 000, soit une baisse de 18%. « Il y a plus de départs à la retraite que d’installations » constatait Julien Denormandie, alors ministre de l’Agriculture, en commentant les chiffres du recensement agricole de 2020. Il voyait trois causes principales à cette désaffection des jeunes. Le coût des installations de plus en plus élevé, la faiblesse des rémunérations ainsi que le changement climatique qui a un impact sur les rendements.
Pour autant les surfaces agricoles n’ont pas diminué. Elles représentent près de la moitié de la superficie du pays. Les petites fermes ont tendance à disparaître. La taille moyenne des exploitations qui était de 55 hectares en 2010 est passée à 69 hectares en 2020. Les grandes exploitations d’une superficie moyenne de 136 hectares étaient quasi inexistantes il y a une soixantaine d’années. Elles représentent aujourd’hui une ferme sur cinq et couvrent 40% de la surface agricole utile. Ce mouvement de concentration des terres qui permet aux agriculteurs d’obtenir plus facilement les aides de la PAC octroyées en fonction des terres travaillées se révèle être un obstacle à l’installation des jeunes. Les deux-tiers des terres libérées par les agriculteurs partant à la retraite vont à l’agrandissement des fermes voisines. Un vrai problème pour ceux qui voudraient s’installer. Principal dispositif d’aide à l’installation, la DJA (dotation pour jeune agriculteur) conçue dans les années 70 ne répond plus aux besoins actuels. Il est indispensable de revoir ce dispositif qui apparaît aujourd’hui dépassé si la France veut, demain encore, être fière de ses productions animales et végétales.