La terrible crise sanitaire que connaît la France avec l’épidémie du Coronavirus montre la nécessité de rebâtir notre tissu industriel. « La France est une Grèce qui s’ignore ». L’économiste toulousain Gabriel Colletis parle sans complaisance. Depuis des années avec son association « Manifeste pour l’industrie » il milite pour une réindustrialisation de notre pays. « Nous importons pratiquement tout ce que nous consommons. 80% des biens de consommation des ménages sont importés » insiste-t-il.
Un constat lucide qu’est venu illustrer la pénurie de masques, d’appareils d’assistance respiratoire et de gel hydro-alcoolique que nous avons connue. Frappée de plein fouet par le virus Covid-19, la France s’est trouvée complètement désemparée. Démunie d’à peu prés tout. Dans l’urgence le pouvoir qui n’avait pas su anticiper ni prévoir la crise a dû commander des équipements à l’étranger, en Chine notamment, pour les masques mais aussi en Inde afin de protéger en priorité le personnel soignant directement en contact avec les malades dans les hôpitaux.
Une dépendance vis-à-vis de l’étranger que Macron reconnaissait dans son allocution télévisée du 16 mars : «Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie, au fond, à d’autres est une folie ». Le 31 mai lors de la visite d’une PME il précisait : « Notre priorité aujourd’hui est de produire davantage en France ». Une prise de conscience qui, il faut l’espérer, sera suivie de mesures efficaces et pérennes pour permettre la reconstitution en France d’un véritable tissu industriel.
Car la désindustrialisation commencée dans les années soixante ne s’est pas arrêtée depuis. Au contraire ! Dans le secteur de l’automobile les grands groupes industriels ont fermé des unités de production en France pour en ouvrir dans les pays émergeants, en Europe de l’Est notamment. Résultat, la France qui produisait quatre millions de véhicules sur son territoire il y a encore 10 ans n’en produit plus que deux aujourd’hui. Et la tendance devrait se poursuivre si l’Etat n’intervient pas rapidement pour arrêter l’hémorragie.
Protéger nos industries stratégiques
Faute de patriotisme économique de la part des grands groupes industriels français, le protectionnisme s’impose. Il faut impérativement protéger nos industries stratégiques. Et aussi longtemps que cela sera nécessaire ! Face à l’appétit de la concurrence étrangère l’Etat doit prendre des mesures protectionnistes. A l’avenir il ne devrait plus être possible que des fleurons de notre industrie comme Péchiney, qui fut le premier groupe industriel privé français, spécialiste de l’aluminium ou Arcelor (ex-Usinor), géant européen de la sidérurgie soient avalés ou dépecés sans que l’Etat s’y oppose.
En 2008, Nicolas Sarkozy avait fait le constat amer que Péchiney « a disparu sans que personne ne lève le petit doigt ». L’année suivante, en dépit de ses promesses et de ses interventions, le bouillant président de la République n’avait pu empêcher la fermeture du site d’Arcelor. En 2014 le « décret Alstom » étendait aux secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports, de la santé et des Télécoms le droit de regard dont disposait l’Etat depuis 2005 sur des investissements étrangers en France dans des secteurs stratégiques comme la Défense ou les technologies de l’information. Une mesure bien dérisoire, en réalité, face aux défis économiques auxquels nos groupes industriels sont confrontés.
S’il est indispensable que la France recouvre sa souveraineté économique sur les secteurs considérés comme stratégiques, elle aura à faire nécessairement des choix budgétaires, à définir des priorités. Une vision à long terme s’impose. Peut-on continuer à rester tributaire de l’étranger pour nos consommations intermédiaires ? Comment admettre que nous soyons autant dépendants de la Chine ou de l’Inde pour les principes actifs de médicaments comme le Paracétamol ? Et des pays du sud-est asiatique pour les composants électroniques du matériel informatique ?
Fournisseurs étrangers
Pire encore, la France n’a plus la capacité industrielle de produire des munitions de petits calibres depuis la fermeture de l’établissement de Giat Industries au Mans à la fin des années 90. Le ministère des Armées doit s’adresser à des fournisseurs étrangers (Belgique, Allemagne, Israël et Emirats) pour approvisionner les pistolets, fusils et mitrailleuses lourdes de nos soldats. Problème, les cartouches de 5,56 mm fabriquées aux Emirats se sont révélées de piètre qualité occasionnant de nombreux incidents de tir. Même déception pour les munitions destinées aux fusils Famas qui n’étaient pas adaptées au pas de rayure du canon.
Les députés Nicolas Bays et Nicolas Dhuicq sont intervenus pour demander la relance d’une filière française de munitions de petits calibres, mais le ministère des Armées a opposé l’année dernière un refus catégorique au motif que le « projet ne serait pas viable économiquement au regard de la consommation des forces françaises ». Un argument qui paraît surprenant pour un pays comme le nôtre dont les troupes sont engagées notamment en Afrique contre les djihadistes et inquiétant dans la mesure où l’approvisionnement en munitions de nos troupes dépend d’un pays musulman qui n’est pas à l’abri d’un changement de régime.
Dans sa chronique du Point (21 mai 2020), Nicolas Baverez ne se montre guère optimiste : « La France sortira de l’épidémie déclassée, analyse-t-il. Au sein de l’Europe et de la zone euro, elle est désormais un pays du Sud dont le recul de la production et l’emballement de la dette menacent la survie de la monnaie unique ». Il faut espérer que la crise que nous connaissons rebatte les cartes et amène nos dirigeants à regarder d’un œil neuf la situation du pays afin de rattraper le retard pris par rapport à nos partenaires européens.
Il est réconfortant de constater qu’un secteur, comme celui de la machine-outil qui était dominé jusqu’à présent par nos voisins allemands connait un spectaculaire redressement. Ainsi l’usine vosgienne Numalliance spécialisée dans la fabrication de machines-outils haut de gamme réalise des performances à l’exportation. Son secret ? Fournir aux entreprises européennes et américaines mais aussi asiatiques des produits taillés sur-mesure en fonction des besoins des industriels alors que les Allemands sont restés sur des modèles standards. Le redressement économique de notre pays passera par la relocalisation de PME dynamiques au savoir-faire reconnu.
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