En ce mois de mai 2016 flotte dans l’air un parfum de révolte et de contestation qui n’est pas sans rappeler aux plus anciens un certain mois de mai 68. Certes, les temps ont changé. La France de 2016 est bien différente de celle de 1968. Le chômage de masse, la menace terroriste, les problèmes migratoires sont les préoccupations actuelles des Français.Elles n’ont rien de commun avec les revendications des « soixante-huitard » dans une France en plein développement économique qui ne comptait que 500 000 chômeurs.
A l’époque la guerre menée par les Américains au Vietnam exacerbe les passions de la jeunesse étudiante. Maoïstes, trotskistes, et anarchistes tiennent le haut du pavé dans les universités et les lycées. La contestation de la société s’exprime sous toutes ses formes. Elle est de nature économique, sociale et politique. On conteste le système capitaliste, la société de consommation, la vie politique. De Gaulle est au pouvoir depuis 10 ans et l’on aspire au changement de régime. « Dix ans ça suffit ». C’est par une révolte de la jeunesse parisienne que tout a commencé. Elle va bientôt s’étendre au monde ouvrier et gagner pratiquement toutes les couches de la société. Grèves et manifestations se multiplient pour paralyser bientôt l’activité du pays tout entier.
Se faire entendre d’un pouvoir autiste
Est-ce ce même scénario que nous allons revivre un demi-siècle plus tard ? Certes il est tentant de faire des rapprochements, car les similitudes ne manquent pas. Le besoin de s’exprimer, de revendiquer, de se faire entendre d’un pouvoir autiste est un point commun aux deux époques. Depuis des semaines les militants de Nuit debout se réunissent place de la République. La parole se libère comme elle s’était libérée en mai 68 par une frénésie de discussions autour de thèmes politiques. Des groupes se formaient dans les rues pour échanger sur tout et sur rien. Les débats informels allaient bon train. On refaisait la guerre d’Algérie, on débattait de l’apartheid en Afrique du Sud. Chacun y allait de ses arguments. Bientôt c’est à l’intérieur des usines, des administrations, des MJC que les débats ont lieu. Le théâtre de l’Odéon est occupé. Ce sera un haut lieu de la contestation estudiantine tout comme la Sorbonne et les Beaux-Arts.
Mais la révolte va rapidement prendre un tour plus violent. La rue s’enflamme. On voit apparaitre des cocktails molotov. Les pavés arrachés au bitume servent de projectiles contre les forces de l’ordre. Les émeutiers retournent des voitures pour ériger des barricades dans le quartier Latin. La police charge. L’odeur du gaz lacrymogène emplit le centre de Paris. Les blessés se comptent par dizaines chaque jour. Les cris de « CRS SS » retentissent. Un slogan qui restera longtemps dans la mémoire des manifestants.
Les casseurs d’aujourd’hui semblent avoir beaucoup appris de leurs ainés. Animés d’une idéologie anticapitaliste et anarchiste ils ciblent les agences bancaires et vandalisent les commerces qu’ils trouvent sur leur passage. Ils s’attaquent aussi aux forces de l’ordre à coups de pierres et de cocktails molotov.
Frappé de paralysie
L’histoire semble se répéter. Tout comme en 1968 le pouvoir parait impuissant à enrayer cette vague de violence. Il est comme frappé de paralysie. De quoi a-t-il peur ? Qu’un malencontreux accident se produise, qu’un manifestant perde la vie lors d’un affrontement avec les CRS? C’est cette crainte qui avait conduit le premier ministre de l’époque Georges Pompidou à s’opposer au général de Gaulle qui voulait en finir avec cette « chienlit » comme il disait. Au fil des jours on voit chaque camp se radicaliser sur ses positions. La rue contre l’Elysée. Personne ne veut céder.
Le projet de loi El Khomri a servi de détonateur à une exaspération populaire contre un pouvoir qui a perdu depuis longtemps la confiance des Français. Il est à redouter- malheureusement pour le bien de notre pays- que les grèves et les manifestations se multiplient et s’amplifient au fil des semaines et des mois jusqu’à la paralysie complète de l’activité économique qu’on a connu en mai et juin 1968.
Mais on sait aussi comment tout cela s’est terminé. De Gaulle a dissous l’Assemblée. Les Français qui aspiraient à un retour à l’ordre ont envoyé au palais Bourbon une chambre Bleu Horizon. Cette fois, elle pourrait bien être de couleur Bleu Marine.
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