Vingt ans après les attentats du 11 septembre les Talibans ont pris le pouvoir à Kaboul. L’Emirat islamique d’Afghanistan a remplacé l’Etat islamique comme nouveau sanctuaire du terrorisme.
On aurait pu croire que la chute de Saïgon et la désastreuse évacuation du pays à la fin de la guerre du Vietnam avait marqué profondément la mémoire collective des Américains. Que Nenni ! La décision de Joe Biden d’évacuer ses troupes d’Afghanistan a provoqué le retour des Talibans qui ont reconquis en quelques semaines la quasi totalité du pays. « Nous avons gagné la guerre en Afghanistan, mais nous partons comme si nous l’avions perdue. C’est pire encore qu’une défaite militaire, c’est une décision politique qui demeure pour moi inexplicable » se désole John Bolton, ancien ambassadeur américain à l’ONU et ex conseiller à la Sécurité nationale, fermement opposé au retrait des troupes américaines d’Afghanistan.
Une volonté de repli sur soi des Etats-Unis amorcée par Donald Trump dès sa prise de fonction en 2016 qui se poursuit aujourd’hui avec Joe Biden. L’Amérique ne se voit plus en gendarme du monde comme elle l’était encore dans les années 90 après la chute du communisme. Ce changement de stratégie va obliger les Européens, et notamment les Français, à revoir leurs plans et à développer leurs capacités opérationnelles propres pour défendre leur sécurité intérieure et leurs intérêts dans un monde de plus en plus imprévisible économiquement où tous les coups sont permis comme on vient de le voir avec l’affaire du contrat de vente de sous-marins à la marine australienne. Vous avez dit confiance ?
Ce « chacun pour soi » des Occidentaux risque d’avoir des conséquences pour les pays européens plus que jamais confrontés à la menace terroriste islamiste. Nous sommes entrés depuis quelques années déjà dans une guerre des civilisations. L’Occident a échoué à vouloir imposer un modèle de société, à inculquer des principes, des valeurs à des peuples, des individus totalement insensibles aux idéaux de démocratie, de droits de l’homme ou de la place des femmes dans la société. Pire, ils y sont farouchement opposés car contraires à la loi coranique, règle suprême pour les musulmans. Vouloir s’affranchir de cette loi fait de vous un kouffar, un mécréant !
Guerre asymétrique
Dans ce contexte géo-politique on peut, on doit même, se poser la question de l’engagement de la France au Sahel. C’est en janvier 2013 que suite à une résolution du conseil de sécurité de l’ONU et à la demande pressante des autorités maliennes la France agissant dans le cadre de la légitime défense collective envoyait des troupes au Mali pour contrer l’action de groupes armés qui menaçaient de s’emparer de la capitale. Ainsi commençait l’opération Serval accueillie avec enthousiasme par les populations locales qui permettra de traquer les terroristes et d’entamer la reconquête du nord du territoire. Mais face à l’offensive des combattants islamistes dans plusieurs pays du Sahel, Paris décida d’élargir le théâtre des opérations militaires. Outre le Mali, nos soldats se déployèrent en Mauritanie, au Tchad, au Burkina Faso et au Niger aux côtés des armées africaines. L’opération Barkhane prenait la suite de l’opération Serval. Ses effectifs passaient de 3 500 à 5 100 hommes.
Une guerre asymétrique marquée par d’indéniables succès contre un adversaire invisible qui connaît parfaitement la topographie du territoire. Une guerre qui se déroule dans une relative indifférence de l’opinion publique. Une guerre qui se rappelle à nous lorsqu’on apprend la mort d’un soldat français en opération. Car la France se trouve bien seule pour faire face à l’offensive djihadiste en Afrique. Aucun autre pays européen ne s’est proposé pour l’aider dans sa lutte contre les islamistes. Pourtant, le mandat de l’ONU ne désignait pas explicitement la France pour mener ce combat qui concerne tous les pays occidentaux. Mais comme pour l’intervention en Libye sous Sarkozy, c’est la France qui, seule, enverra ses chasseurs-bombardiers pilonner Tripoli.
Bien que la situation au Sahel ne soit pas comparable à celle de l’Afghanistan le risque d’enlisement de nos troupes y est tout aussi évident. L’objectif de l’opération Barkhane est « d’empêcher Daech et Al-Quaïda d’utiliser le Sahel comme base arrière sans se substituer à la souveraineté des pays de la région » rappelle-t-on au gouvernement où Françoise Parly s’est félicité de l’élimination au mois d’août d’Adnan Abou Walid al-Sahraoui, leader du groupe Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), l’un des plus puissants chefs terroristes au Sahel. Faut-il pour autant considérer comme le fait la ministre de la Défense que cette mort « porte un coup décisif au commandement de Daech au Sahel » ? Ce serait sous estimer la capacité de cette organisation terroriste à se restructurer.
Si Macron a salué ce « nouveau succès majeur » dans la lutte anti terroriste au Sahel, il n’est pas pour autant dupe de la situation. Début juin il a fait part de sa volonté de faire évoluer et de réduire les effectifs de nos forces à 2500-3000 hommes. Il a en même temps annoncé la « fin de l’opération Barkhane en tant qu’opération extérieure » et la réarticulation du dispositif de lutte anti-jihadiste autour d’une alliance internationale composée de pays européens et africains. Un désengagement de la France qui suscite de l’inquiétude au sein des populations locales redoutant que ne se produise au Sahel le même scénario que pour l’Afghanistan. Les pays africains sont indépendants depuis soixante ans. N’est-il pas temps qu’ils se prennent en charge ?