La France des gilets jaunes c’est celle de la liberté, de l’égalité et de la fraternité

On avait fini par oublier la grandeur de cette devise de la République française inscrite au fronton de nos édifices publics. La révolte des Gilets jaunes vient rappeler aux élites qu’ils tiennent leur pouvoir du peuple depuis la Révolution française.

Mouvement des Gilets jaunes, Paris, le 8 décembre 2018.

Macron sera-t-il le dernier président de la Ve République ? Ira-t-il jusqu’au bout de son mandat ? Faut-il dissoudre l’Assemblée nationale ? Le Sénat a-t-il une utilité ? Comment faire pour que les citoyens soient mieux représentés? Quelques semaines après le début de l’insurrection civique lancée par le mouvement des Gilets jaunes, nombreuses sont les questions qui se posent. Elles touchent au fonctionnement même de nos institutions. En quelques jours les revendications purement économiques au début ont pris un tour politique. « Macron démission ». Pas un défilé, pas un attroupement de Gilets jaunes sans que ce slogan soit repris en chœur par les manifestants.

Pris de court par une crise qu’il n’avait pas vu venir, le pouvoir tarde à réagir. Et quand les ministres prennent la parole c’est pour tenter de disqualifier en employant les mots de « chemises brunes » (dixit Darmanin) ou de « séditieux » (dixit Castaner) celles et ceux qui manifestent pour s’opposer aux augmentations de taxes sur le carburant d’un gouvernement qui veut leur faire payer au prix fort la transition énergétique.

Il faut être aveugle, sourd, et enfermé dans son bunker comme un dictateur pour ne pas tenir compte des sondages qui depuis longtemps plaçaient le pouvoir d’achat en tête des préoccupations des Français. Comment un chef d’Etat peut-il mépriser à ce point les corps intermédiaires en prise directe avec les préoccupations des Français ? A quoi servent donc les préfectures – même privées des renseignements généraux – si elles n’informent pas le pouvoir dont elles dépendent ? Et que dire du rôle que doivent jouer les députés, notamment ceux de la majorité LREM ?

Pas besoin de relais

Persuadé que le nouveau monde qui s’ouvrait devant lui n’avait pas besoin de relais d’opinion Macron a cru que tout lui était permis. Qu’il allait réformer à sa guise, fort de sa majorité présidentielle. Et même qu’il pouvait se passer du parlement en gouvernant par ordonnances. Un pouvoir absolu, illimité, qui ne supporte ni la critique, ni la contradiction. Un potentat comme il n’en existe pratiquement plus dans le monde, même en Afrique.

Pour être allé trop loin dans l’exercice solitaire du pouvoir, Macron doit aujourd’hui manger son chapeau et consulter dans l’urgence et tous azimuts sous la pression d’une opinion qui apporte un soutien massif aux Gilets jaunes et à leurs revendications. Mais le problème c’est qu’il n’est plus crédible. Il a perdu la confiance de l’opinion publique. Le pouvoir est dans l’impasse. Le roi est nu. La constitution lui permet, certes, de poursuivre son mandat. Mais comment prétendre gouverner un pays comme la France, poursuivre les réformes sans le soutien du peuple ? Un peuple qui rejette non seulement l’exécutif mais qui aussi les partis de l’opposition politique (Sondage Odoxa pour le Figaro et France info du 5 décembre) qui n’offrent pas une alternative jugée sérieuse et crédible. Un pays au bord de la rupture.

La défiance du corps électoral vis-à-vis de l’offre politique s’était manifestée lors de l’élection présidentielle. Au second tour qui opposait, rappelons-le Emmanuel Macron à Marine le Pen, un électeur sur quatre avait boudé les urnes. 12,1 millions d’abstentionnistes auxquels il faut ajouter 4,1 millions de votes blancs et nuls. Un record depuis 1969 qui traduisait un profond malaise de nos institutions. Malaise qui n’a fait que s’aggraver depuis l’élection de Macron et qui nécessite aujourd’hui de s’interroger sur le fonctionnement de notre démocratie.

Démocratie directe

C’est ce que font les Gilets jaunes qui depuis maintenant plus de trois semaines occupent les ronds-points. Par son arrogance, son entêtement, le mépris affiché des « gens qui ne sont rien », ses discours verbeux inaudibles pour beaucoup, Macron a focalisé sur lui la haine du peuple. Sa démission espérée ferait tomber la tension chez les révoltés. Mais au-delà de sa personne se pose le problème du fonctionnement de notre système représentatif. Il paraît aujourd’hui évident que si l’Assemblée nationale venait à être dissoute, la plupart – pour ne pas dire la quasi-totalité – des députés de la République en marche ne retrouveraient pas leurs sièges. Mais dans notre constitution c’est au président de la République, et à lui seul, que revient la décision de dissoudre la Chambre. De Gaulle l’avait fait. Chirac aussi. Macron aura-t-il ce courage qui le contraindrait à une cohabitation avec un Premier ministre d’opposition ?

Mais ces décisions – démission de Macron et dissolution de l’Assemblée – et même l’arrivée d’une VIe République ne suffiraient pas pour autant à restaurer chez les Français la confiance dans les hommes politiques. Les « Gaulois réfractaires » qui ont planté fièrement le drapeau tricolore devant leurs campements de fortune réclament une démocratie directe. Sans intermédiaire. Ils refusent que quelqu’un parle en leur nom. Ni trahison, ni récupération ! Ce sont les fondements même de notre système de représentation qu’ils contestent. Illusion ? Utopie ? Un retour à la démocratie directe des Anciens serait-il impossible dans un Etat moderne ? Certains y croient. Elle est même techniquement possible grâce au Web. Née avec les réseaux sociaux, la contestation des Gilets jaunes pourrait demain ouvrir la voie à une « démocratie électronique ». Une démocratie où chacun pourrait apporter sa contribution au processus législatif. Un simple clic pour remplacer la clique, en quelque sorte ! Avec de sérieuses économies à la clé !