La république des Tartuffe a encore de beaux jours devant elle

On peut évidemment se gausser de l’affaire Griveaux. Dans un pays marqué par une culture populaire paillarde et rigolarde, la pantalonnade qui a conduit le candidat macroniste à se retirer de la course à la mairie de Paris a de quoi distraire le bon peuple.

Elle montre pourtant l’abîme qu’il y a entre les propos, les promesses, les déclarations des politiciens et la réalité peu reluisante du comportement de certains de ceux qu’on appelle l’élite. Se présenter aux électeurs comme le défenseur des valeurs familiales, s’afficher avec sa femme et ses enfants dans Paris-Match tout en entretenant une liaison tout aussi passionnée que cachée avec une jeune femme a quelque chose de profondément choquant.

Sans se placer sur le plan de la morale qui relève de la conscience individuelle, la volonté de dissimuler sa double vie prouve l’hypocrisie du personnage. Il y a manifestement contradiction entre l’image qu’il veut donner de lui et son comportement dans la vie réelle. Double vie, double langage ! Comment peut-on oser se présenter aux suffrages des électeurs dans ces conditions ? La transparence est une exigence démocratique. Sinon le lien de confiance entre l’élu et ses électeurs qui est à la base de toute démocratie libérale n’est qu’un leurre !

Benjamin Griveaux n’est pas le premier homme politique à tomber après un scandale sexuel. La carrière politique de DSK a ainsi été brisée nette alors qu’allaient s’ouvrir devant lui les portes de l’Elysée. Mais Griveaux n’est pas DSK. Bien qu’il ait été un de ses proches avant de participer activement à sa campagne présidentielle l’ancien porte-parole du gouvernement d’Edouard Philippe, macroniste de la première heure, a donné dans cette affaire l’image plutôt dévalorisante d’un adolescent découvrant sa puberté et fier d’exhiber sa virilité jusqu’à la mettre en scène.

Des rebondissements et des surprises ?

Certes, la vidéo réalisée en 2018 relève du domaine de la vie privée. Pourquoi et comment s’est-elle retrouvée sur la place publique ? L’enquête en cours devra le déterminer. Elle risque de connaître des rebondissements et de réserver des surprises, car sa publication, à quelques semaines seulement de l’élection à la mairie de Paris a de quoi susciter nombre d’interrogations. Nul doute que les fins limiers de la police se poseront la question essentielle : « A qui profite le crime ? ».

Dans le cas de Benjamin Griveaux il est bien difficile d’en connaître la réponse. Le chouchou de l’Elysée n’était pas le favori, loin de là, puisque les sondages le donnaient en troisième position loin derrière Anne Hidalgo et Rachida Dati. A-t-il été volontairement éliminé de la course à la mairie de Paris par ses propres amis ? Il se dit que le personnage s’était fait « beaucoup d’ennemis » au sein de sa propre famille politique. Ceux-ci ont-ils voulu la peau de ce candidat décrit comme « intelligent » et « malin », mais connu aussi pour son « arrogance » ?

Quoiqu’il en soit cette affaire ne va pas relever le niveau de la vie politique en France ni celui de la confiance des citoyens dans leurs dirigeants. On ne demande pas aux hommes politiques d’être des prix de vertu mais on peut exiger d’eux qu’ils aient le respect de la république, c’est-à-dire de la chose publique qui est notre bien commun et que leur idéal soit celui de l’intérêt général qui doit toujours l’emporter sur les intérêts particuliers ou catégoriels.

A l’ère de la transparence

Nous vivons à l’ère de la transparence et des réseaux sociaux où tout se sait et tout se dit de manière instantanée. Plus que tout autre, l’homme (ou la femme) politique a le devoir de se montrer exemplaire par son comportement. Personne ne l’oblige à solliciter le suffrage des électeurs. Mais à partir du moment où il (ou elle) prend la décision de se présenter le candidat ne s’appartient plus. S’il est élu il se met au service des électeurs dont il devient le délégué. Une mission dont il doit s’acquitter avec honnêteté, dévouement, droiture et loyauté.

Benjamin Griveaux a sans doute pêché par une incroyable légèreté et avec une bonne dose de naïveté. En politique il ne suffit pas d’être propre sur soi et de donner l’impression d’être le gendre idéal, encore faut-il en administrer la preuve jour après jour. Ce qui n’est, certes, pas donné à tout le monde. L’ancien porte-parole du gouvernement vient de l’apprendre à ses dépens. Il en a tiré les conséquences en se retirant de la course à la mairie de Paris. « Je ne souhaite pas nous exposer davantage, ma famille et moi, quand tous les coups sont désormais permis » a-t-il déclaré pour expliquer sa décision.

S’abriter derrière sa famille après l’avoir humiliée dans une vidéo à caractère sexuel envoyée à une jeune femme cela porte un nom : l’hypocrisie ! C’est précisément ce qu’a voulu dénoncer le Russe Piotr Pavlenski, sulfureux personnage à l’origine de la diffusion de la fameuse vidéo qui annonce que « la chasse à l’hypocrisie » ne fait que commencer. Une fanfaronnade de sa part ? Il est à parier que certains Tartuffe de la politique ne doivent pas se sentir aujourd’hui très à l’aise après cette déclaration en forme d’avertissement !

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