Qui représentera le camp des patriotes à la prochaine élection présidentielle ? A dix mois de l’échéance les candidats à la magistrature suprême ne se bousculent pas.
Les élections régionales auront eu le mérite de clarifier les choses. En boudant les urnes les électeurs du Rassemblement national ont manifesté leur colère. Alors que les sondages annonçaient une vague bleu-marine, force est de constater que le RN est en net recul par rapport aux précédentes régionales de 2015. Marine Le Pen et ses principaux lieutenants ont eu beau tancer leur électeurs au soir du premier tour pour leur enjoindre d’aller voter, ceux-ci ont fait la sourde oreille. Une première pour un électorat habituellement discipliné qui, par cette grève des urnes a voulu marquer son désaccord avec le changement de cap du parti et le virage à 180° de sa présidente sur des questions essentielles comme la monnaie unique ou la souveraineté nationale.
Et pourtant la situation politique du pays n’a jamais été aussi favorable pour le RN. L’insécurité grandissante dans le pays, le risque d’attentats terroristes, les menaces séparatistes, l’immigration sauvage, ces thèmes fondamentaux du mouvement font aujourd’hui l’objet d’un large consensus dans l’opinion. Les sondages indiquaient que les questions de sécurité figuraient au premier rang des préoccupations des Français. Et pourtant il n’en a rien été. Les électeurs, notamment ceux du RN, ont fait un pied de nez à toute la classe politique. Une abstention record. Du jamais vu sous la Ve République. Comme si ce refus de mettre un bulletin dans l’urne signifiait qu’ils voulaient tourner la page. Qu’ils renvoyaient dos à dos les élites de ce pays. Qu’ils rejetaient tout un système désormais obsolète. Un message on ne peut plus clair des Français adressé d’abord à leurs dirigeants qui subissent un désaveu cinglant avec un petit 10% des suffrages pour La République en marche, le parti du président. Un désaveu aussi pour les écologistes qui après leur succès aux dernières municipales paient sans doute le prix des excès de certains de leurs élus. Souvenons nous du refus du maire de Bordeaux d’installer un sapin de Noël « arbre mort » dans sa ville, ou du maire de Lyon qui s’oppose au passage du tour de France, épreuve qu’il juge « machiste » et « polluante » ou encore de la maire de Poitiers qui baisse les subventions à deux aéroclubs estimant que « l’aérien ne doit plus faire partie des rêves des enfants ».
Changement de stratégie
Le Rassemblement national subit quant à lui le contrecoup des revirements politiques de Marine Le Pen. En changeant le nom du Front national, la présidente du parti a voulu rompre avec un passé qu’elle jugeait sulfureux. Une rupture qui s’est accompagnée d’une volonté affichée de dédiabolisation. Ce changement de stratégie ne s’est pas fait sans déchirements internes avec le départ de personnalités de premier plan comme Marion Maréchal ou Florian Philippot mais aussi de nombreux cadres et militants qui ne se retrouvaient plus dans le nouveau parti. En voulant aseptiser le Rassemblement national Marine Le Pen a rompu avec l’héritage paternel. Pire, elle l’a trahi.
Les électeurs traditionnels du Front national ne s’y sont pas trompé. Ils n’ont pas retrouvé au Rassemblement national de Marine Le Pen la même volonté d’en découdre avec le système que par le passé. Au contraire ils y ont vu comme l’alignement du parti, en quête de respectabilité, sur le reste de la classe politique. A quoi bon voter pour un parti qui n’est pas différent des autres ?
Le recentrage politique du Rassemblement national laisse orphelin le camp des patriotes. Déjà échaudés par le calamiteux débat télévisé du deuxième tour de la présidentielle de 2017 avec la minable prestation d’une Marine Le Pen dominée de la tête et des épaules par Emmanuel Macron, les électeurs de la droite de conviction avaient cru que la présidente du RN allait se ressaisir. Il n’en a rien été ! Comme si sa défaite de 2017, survenant après celle de 2012 n’avait servi à rien. Au contraire, dés le mois de janvier 2020, et à la surprise générale, elle a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle de 2022. Pourquoi une telle précipitation ? Personne au Rassemblement national ne se risquerait à lui contester sa légitimité sous peine d’exclusion.
La massive abstention des électeurs et les très mauvais résultats des candidats du Rassemblement national vont nécessairement conduire ses responsables à s’interroger sur la candidature de Marine Le Pen à la présidentielle. De quoi alimenter les débats du 17e congrès du mouvement qui se tiendra les 3 et 4 juillet à Perpignan. Si la présidente du RN est l’adversaire préférée de Macron qu’il sait pouvoir dominer par sa connaissance des dossiers lors du débat télévisé, les électeurs patriotes n’ont pas encore de candidat déclaré. Les uns poussent Eric Zemmour à se présenter. D’autres misent sur Philippe de Villiers ou Robert Ménard, le maire de Béziers, brillamment réélu l’année dernière avec une liste d’union des droites. Aucun d’eux ne se risque pour l’heure à sortir du bois. Il faudra bien pourtant que l’un d’eux, ou un autre parmi les généraux candidats potentiels, accepte de monter sur le ring pour représenter le courant patriote dont l’impatience ne fait que croître.