Après avoir éliminé toute opposition en Turquie, le sultan Recep Tayyip Erdogan nourrit désormais l’ambition d’unifier le monde musulman.
Et c’est la décision de Donald Trump de reconnaitre Jérusalem comme capitale d’Israël et d’y transférer l’ambassade des Etats-Unis qui a été l’occasion pour le dictateur Turc de tenter un coup de poker. Le 13 décembre, soit une semaine après l’annonce surprise du président américain, Erdogan convoquait en urgence un sommet extraordinaire de l’Organisation de coopération islamique(OCI) qui réunit les 57 états musulmans, en vue de parvenir à une position commune contre la décision américaine sur Jérusalem.
Une initiative politique couronnée de succès. C’est la première fois depuis longtemps que les chefs d’Etat du monde musulman surmontant leurs divisions et leurs rivalités se mettaient d’accord sur un texte commun condamnant la décision prise par les Etats-Unis.
En visite au Soudan, les 24 et 25 décembre, le Sultan Turc savourait son succès : « Durant le sommet extraordinaire sur Jérusalem, le monde musulman a montré à quel point il pouvait être puissant lorsqu’il agit ensemble » a-t-il déclaré, tout en se félicitant qu’au conseil de sécurité de l’ONU 128 pays se soient opposés à la décision américaine.
Isolé sur la scène diplomatique
Ce n’est pas par hasard qu’Erdogan a commencé sa tournée africaine par le Soudan un état musulman dirigé par le très islamiste Omar el-Béchir. Isolé sur la scène diplomatique, ce pays de 30 millions d’habitants, est à la recherche de partenaires et d’alliés. Le président soudanais fait l’objet de deux mandats d’arrêt internationaux émis par la Cour pénale internationale (CPI) en 2009 et 2010 pour répondre de « génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre au Darfour » une province située à l’Ouest du Soudan théâtre depuis 2003 d’une guerre civile oubliée de tous, qui a déjà fait 330 000 morts selon un rapport de l’ONU.
Une visite qualifiée d’« historique » par Khartoum qui se trouve dans une situation économique délicate, notamment en raison de la perte de 80% de ses ressources pétrolières depuis l’indépendance du Soudan du sud. Pas moins de douze accords de coopération dans les domaines agricole, économique et militaire ont été signés entre les deux pays ainsi qu’un accord pour la création d’un conseil de coopération stratégique.
« Stratégique », c’est ainsi qu’Erdogan a qualifié cette première visite effectuée au Soudan, sa «seconde maison » comme il l’a déclaré lors d’une conférence de presse commune au cours de laquelle Omar el-Béchir a rendu hommage à l’action de son hôte : « Les Soudanais sont attachés à la Turquie parce que c’est le dernier état du califat islamique ». On ne saurait être plus clair !
Un intérêt grandissant pour l’Afrique
Depuis le début des années 2000 Ankara manifeste un intérêt grandissant pour l’Afrique tant par le montant de ses investissements que par le nombre de ses partenariats. Après le Soudan, Erdogan accompagné d’une délégation d’hommes d’affaires et de chefs d’entreprises Turcs a fait un rapide passage par le Tchad pour signer avec N’Djaména six conventions sur la sécurité, les mines et l’eau. Et c’est par la Tunisie qu’il termine sa visite africaine, une visite hautement stratégique, là encore, puisque la Tunisie, comme la Turquie, ont en commun et pour des raisons différentes, d’avoir des relations compliquées en ce moment avec les Emirats arabes unis.
Trois étapes dans trois pays musulmans où il a été bien sûr question de géo-politique. Dans un monde islamique en pleine mutation partagé entre un Iran chiite et une Arabie saoudite sunnite qui vit une révolution politique et sociétale sous l’impulsion du jeune prince héritier Mohammed Ben Salmane, l’ambitieux Erdogan pense que son heure est venue de lancer une OPA sur un monde musulman éclaté afin de replacer la Turquie sur la scène diplomatique.
Il a juste oublié que le véritable maitre du jeu dont il est censé être l’allié se trouve à Washington, qu’il s’appelle Donald Trump et que rien ne pourra se faire sans lui.
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