Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. Celui qui ne veut pas voir la réalité en face. Qui par idéologie refuse de parler d’ensauvagement de la société.
D’un retour à l’état sauvage où chacun règle ses problèmes par lui-même.
Combien faudra-t-il de tribunes et de pétitions pour que les autorités prennent enfin en compte l’exaspération des Français devant le « délitement » de notre pays ? Quelques semaines après la « tribune des généraux » en retraite, puis celle des militaires d’active, d’anciens policiers de tous grades, du commissaire au gardien de la paix, dénoncent dans une lettre ouverte au président de la République, aux ministres et aux parlementaires le climat d’insécurité actuel. Ils exigent des pouvoirs publics de « tout mettre en œuvre pour mettre fin à la situation gravissime que traverse la France en matière de sécurité et de tranquillité publique ». Ils réclament aussi la mise en place d’une réponse pénale « adaptée de manière que les condamnations soient réellement exécutées à la hauteur des faits commis ».
Ce texte qui appelle à un « sursaut national » presse nos gouvernants à prendre des « mesures » pour « rétablir l’autorité de l’Etat ». Voilà où nous en sommes quatre ans après l’arrivée au pouvoir d’un jeune banquier d’affaires sans expérience aucune de la politique qui croyait sans doute pouvoir régler les problèmes de sécurité d’un coup de baguette magique !
Car Macron n’a jamais montré d’intérêt pour le régalien. Tout ce qui touche à l’autorité de l’Etat le laisse indifférent. Il n’a que mépris pour ceux qui portent un uniforme. Pourtant les militaires, policiers, pompiers ou agents des services publics, tous ces serviteurs de l’Etat sont les piliers de notre société. Qu’il ait osé euphémiser la série de drames survenus l’été dernier en les qualifiant d’« incivilités » est tout simplement indigne de la fonction qu’il occupe. La mort à Bayonne de Philippe Monguillot, ce conducteur de bus massacré à coups de pied et de poing pour avoir demandé à des « jeunes » de valider leur ticket avait profondément choqué l’opinion. Un meurtre qui faisait suite à celui de Mélanie Lemée, jeune gendarme de 25 ans, fauchée par un chauffard lors d’un contrôle routier. Il serait trop facile de classer ces homicides dans la rubrique «faits divers». Ils sont au contraire l’illustration de l’ensauvagement de la société.
«Ensauvagement», un mot qu’a employé Gérald Darmanin dans une interview au Figaro le 24 juillet dernier mais que réfute Dupont-Moretti. « L’ensauvagement c’est un mot qui développe le sentiment d’insécurité. Pire que l’insécurité il y a le sentiment d’insécurité » a osé déclarer le garde des Sceaux, ministre de la Justice qui entendait se démarquer des propos du ministre de l’Intérieur. « Je veux m’adresser à l’intelligence des Français et pas à leurs bas instincts parce que le sentiment d’insécurité c’est de l’ordre du fantasme » a-t-il insisté.
Complaire à l’électorat de gauche
Comment peut-on être à ce point aveugle ? Faire l’autruche en se cachant la tête sous le sable, n’a jamais été la solution pour résoudre les problèmes. Mais l’ancien avocat pénaliste a-t-il été nommé à ce poste pour redonner aux Français confiance dans la justice ou pour complaire à l’électorat de gauche ? Quand on se veut le « ministre des détenus » plutôt que celui des victimes d’agression, c’est qu’on a choisi de quel côté on va faire pencher la balance. Avec la bénédiction de Macron, bien entendu !
Car le chef de l’état refuse, lui aussi, d’admettre la réalité de la situation dramatique de notre pays sur le plan de la délinquance et de l’insécurité. A l’action il préfère la dérision comme le 8 septembre dernier lorsqu’il avait critiqué la presse pour avoir « fait le kamasutra de l’ensauvagement depuis quinze jours ». Ce n’est pas par des jeux de mots douteux que l’on règle les problèmes. Les Français ne s’y sont pas trompés d’ailleurs. Pour 70% des personnes interrogées, le mot « ensauvagement » est justifié pour désigner l’évolution de la violence et de la délinquance en France selon un sondage de l’Ifop paru en septembre 2020.
Le philosophe Jacques Billard donne de ce mot la définition suivante : « L’ensauvagement est une régression, une involution, un retour à l’état pré-social… L’ensauvagement est le signe d’un abandon du pacte social et du retour à l’état de nature ou chacun règle ses problèmes par ses propres forces. »
L’actualité de ces dernières semaines nous a dramatiquement illustré cette définition avec l’horrible assassinat de Stéphanie victime d’un terroriste islamiste au commissariat de Rambouillet. Quelques jours plus tard c’est à Avignon, en plein centre ville, qu’Eric un brigadier de police était mortellement touché de deux balles par un dealer. Deux drames qui ont bouleversé l’opinion tout comme la fin atroce de Chahinez à Mérignac. Blessée de plusieurs coups de feu aux jambes, cette mère de famille de 31 ans est morte brûlée vive en pleine rue par son ancien mari. Comment ne pas parler d’ensauvagement de la société avec le double meurtre perpétré dans cette scierie des Cévennes par un employé qui a tué son patron et son collègue de travail avant de trouver refuge dans la forêt d’où il sortira pour se rendre aux gendarmes au bout de quatre jours ? Ne faut-il pas employer ce mot à propos du drame survenu à Ivry-sur-Seine quand Marjorie, 17 ans, a reçu un coup de couteau en plein cœur donné par un adolescent de 14 ans ? Doit-on parler d’accident du travail – comme le font certains – pour qualifier l’agression dont a été victime ce policier appelé à intervenir en pleine nuit à Rive-de-Gier (Loire) pour faire cesser un tapage nocturne et qui a reçu un projectile en pleine tête. Il est vrai que la plus banale intervention des forces de l’ordre dans certains quartiers est susceptible de provoquer des violences urbaines. Les dealers n’aiment pas être dérangés dans leur travail !
Rien d’étonnant à ce que les policiers soient mécontents et ont tenu à le faire savoir aux autorités et à tout le pays en organisant un grand rassemblement citoyen mercredi 19 mai devant l’assemblée nationale. Les syndicats de policiers ont voulu exprimer leur colère contre les violences dont sont l’objet les forces de l’ordre et réclamer une plus grande sévérité envers ceux qui les agressent. Un rassemblement auquel le ministre de l’Intérieur a cru utile de participer en soutien aux policiers. Ce qui est tout de même une première dans les annales de la République, mais démontre en même temps l’impuissance du premier flic de France à endiguer cette montée de la violence que ressent tout un chacun. C’est plus qu’inquiétant! Au moins, à son poste, pourrait-il demander à Macron de se montrer plus solidaire de ces hommes et de ces femmes qui accomplissent une tâche ingrate au profit de la société au lieu de parler de « violences policières »!