C’est un sujet tabou. Personne n’en parle et pourtant c’est une réalité. Un musulman qui se convertit au christianisme est, en France, l’objet de persécutions tant familiales que communautaires.
Dans certains pays comme l’Afghanistan, l’Arabie saoudite ou l’Iran où la législation est fondée sur la charia, l’apostasie peut conduire à des peines de prison, voire à des exécutions. Plus près de nous, en Algérie, les autorités s’efforcent par tous les moyens d’empêcher les convertis de pratiquer librement leur religion. La simple possession d’une Bible fait de vous un suspect et vous expose à des poursuites devant le tribunal.
Comment admettre qu’en France, pays de tolérance et de liberté religieuse, terre des droits de l’homme, un musulman qui se convertit puisse être l’objet d’humiliations publiques, de menaces, de brimades, de violences psychologiques et même physiques de la part de sa famille et de son ancienne communauté ? A fortiori s’il s’agit d’une femme ou d’une jeune fille qu’on enferme dans sa chambre pour l’empêcher de sortir, qui est menacée d’être mariée de force ou renvoyée au pays d’origine de ses parents.
Le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ) vient de briser l’omerta qui entoure sur ce grave problème en publiant le 30 mars un rapport accompagné d’un reportage, fruit d’un travail de plusieurs semaines, sur les persécutions subies par les nouveaux convertis. Cette ONG qui a vu le jour à Strasbourg en 1998 accompagne cette étude d’un ensemble de propositions pour renforcer les poursuites pénales envers les personnes qui feraient obstacle à la conversion.
Car le droit de croire ou pas, de quitter sa religion ou d’en changer est une composante essentielle de la liberté de conscience et de religion. Reconnue en droit européen et international, elle n’est pas garantie de façon explicite par le droit français. « Il est aujourd’hui nécessaire que le droit pénal garantisse cette liberté » souligne Grégor Puppinck, un juriste directeur du Centre européen pour le droit et la justice qui veut « mettre les gouvernements face à leurs responsabilités, mais aussi les chrétiens pour accueillir, regarder, défendre et protéger les personnes qui viennent rejoindre la communauté des chrétiens ».
Se convertir au christianisme est un véritable chemin de croix pour un musulman. « Car dans une société très communautariste où le regard de tous pèse en permanence sur chacun, une conversion est une honte qui rejaillit sur la famille tout entière. Une tache qu’il faut prévenir à tout prix ou nettoyer. Ce à quoi toute la communauté s’emploie activement » écrit l’historien Jean-François Chemain, dans son ouvrage Ils ont choisi le Christ, ces convertis de l’islam dont on ne parle pas*.
Exemples de cruauté
Son enquête l’a conduit à recueillir de nombreux témoignages de convertis. Si beaucoup choisissent la discrétion en faisant semblant de continuer d’observer les rites et coutumes de l’islam, d’autres préfèrent partir loin de chez eux pour vivre leur foi afin d’éviter les questions embarrassantes. Car s’ils sont découverts ils savent pertinemment ce qu’ils risquent en tant qu’apostats. Un hadith du prophète est sans ambiguïté qui assure : « Celui qui change de religion, tuez le ! ».
Les exemples de cruauté ne manquent pas : « La sœur d’une convertie, elle aussi convertie a été étranglée par son mari après avoir été condamnée par un tribunal familial » souligne l’auteur. Un meurtre traité comme « drame conjugal » dans la rubrique des faits divers de la presse locale. Autre exemple, celui d’une jeune femme qui vit sous un nom d’emprunt, « son père, un homme important de la communauté ayant prononcé une fatwa contre elle ». Heureusement pour elle celui-ci est emprisonné pour trafic de stupéfiants », précise l’auteur.
La loi sur le séparatisme en cours d’examen au parlement s’est emparée de ce problème. Elle vise à renforcer les poursuites pénales envers les personnes qui font entrave à la religion. Un amendement proposé par l’ECLJ qui a été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture. La loi doit prévoir une « pénalisation explicite de l’entrave à la conversion » souligne Grégor Puppinck.
Si une majorité de musulmans se convertissent au protestantisme évangélique, ils sont environ trois cents à recevoir chaque année le baptême catholique. Un chiffre qui, selon Jean-François Chemain, ne représente que la face émergée de l’iceberg car il ne prend pas en compte ceux qui sont « convertis dans leur coeur ». Des conversions accueillies avec une grande prudence par l’Église qui a, semble-t-il, renoncé aujourd’hui a tout prosélytisme.
Une discrétion sans doute regrettable si l’on en croit Grégor Puppinck qui déclare (Boulevard Voltaire du 1/04) : « Les personnes d’origine musulmane qui se convertissent au christianisme connaissent souvent un changement profond dans leur relation à la France. Les deux mouvements complémentaires sont importants pour la France. Je suis convaincu que l’avenir de la France passe en grande partie par l’annonce de l’Evangile et la conversion des musulmans ».
* Editions Artège 2019