Le pays cherche un nouveau souffle. Les institutions font obstacle à la libre expression de la volonté populaire. Il est urgent de restaurer la démocratie abîmée par des années d’incurie.
La crise des Gilets jaunes a été un avertissement pour le pouvoir. Ce mouvement spontané de révolte du peuple contre les élites n’est pas un épiphénomène. Il traduit le malaise profond d’une France qui aspire à un changement. Le vent de dégagisme qui avait porté Macron au pouvoir se retourne aujourd’hui contre lui. Les Français attendaient beaucoup de ce président jeune qui voulait redresser le pays et lui redonner sa fierté. La déception est à la hauteur des espoirs soulevés.
De Jupiter, le roi des dieux il n’avait que l’ambition, pas la stature. Il allait rapidement montrer ses limites par ses petites phrases blessantes teintées d’arrogance où l’on distingue «ceux qui réussissent et ceux qui ne sont rien » ou encore ces « Gaulois réfractaires au changement ». Qui ne se souvient de cette fête de la musique de 2018 où Macron transforme la cour de l’Elysée en mini-Woodstock ? Où une vidéo montre des danseurs de la communauté LGBT se déhancher avec le couple présidentiel sur les marches de l’Elysée. Scène surréaliste. « C’est une insulte au cœur de la France » dira Philippe de Villiers. Du jamais vu encore au palais présidentiel.
Si le but de cette opération de communication était de rapprocher Macron du peuple qui déjà s’en éloignait, on ne peut pas dire que cette fête fût une réussite si l’on en juge par les réactions de l’opinion. On pourrait aussi rappeler cette photo du président entre deux éphèbes dépoitraillés lors d’une visite à Saint-Martin avec ce doigt d’honneur qui en dit long sur le respect qu’ils ont pour le chef de l’Etat.
C’est à un tout autre niveau que se situe l’affaire Benalla. On n’est plus dans la gaudriole, on touche là au cœur du pouvoir. Comment ce garde du corps, homme à tout faire du candidat Macron a-t-il pu gagner la confiance du président jusqu’à ce hisser au sommet de l’Etat ? De quels secrets est-il porteur ? Une commission d’enquête sénatoriale révélera les dessous de cette affaire qui touche au fonctionnement de nos institutions. Le retentissement de cette affaire dans l’opinion achèvera de ruiner la confiance des Français dans leur président. Elle explique aussi l’explosion de colère qui donnera naissance au mouvement des Gilets jaunes.
Un sentiment de frustration qui s’exprime aujourd’hui contre ceux que le peuple tient pour responsables de la situation dans laquelle se trouve le pays. Les responsables politiques sont particulièrement visés. Que le président de la République en ait fait les frais avec la gifle reçue à Tain-L’Hermitage n’a donc rien de surprenant. Pour être respecté encore faut-il être respectable ! Se montrer digne de la confiance des électeurs, s’intéresser au sort du peuple, prendre en compte ses difficultés, connaître ses besoins !
Déconnexion des élites
Certes, la déconnexion des élites politiques par rapport au peuple ne date pas d’hier. Elle a commencé avec l’hyper présidentialisation de Nicolas Sarkozy, l’homme au karcher… qui s’en est si peu servi, mais qui, paradoxalement, aura supprimé près de 13 000 postes de policiers et de gendarmes pendant son mandat. Elle s’est poursuivie avec le peu glorieux quinquennat de François Hollande, celui qui se voulait un président « normal » et dont les frasques amoureuses ont non seulement défrayé la chronique mais plus encore conduit à l’abaissement de la fonction présidentielle. Un abaissement qui atteindra le degré zéro de la politique avec l’humiliante affaire Léonarda.
Macron paye aujourd’hui les frais de cette dégradation continue de l’image présidentielle. Il n’a assurément rien fait pour lui redonner du lustre. Or les Français ont le goût de l’apparat. Ils aspirent à l’autorité et ont le respect des institutions. Tout ce que n’incarne pas Macron qui n’habite pas le corps du roi. L’exercice du pouvoir nécessite un certain éloignement, une distanciation vis-à-vis du peuple. Mais à force de court-circuiter tous les corps intermédiaires, à dynamiter les partis politiques, à considérer l’assemblée nationale comme une chambre d’enregistrement le président de la République se retrouve seul. Comme tout remonte à lui il est responsable de tout. Contrairement à ses prédécesseurs, il n’a même plus le Premier ministre pour lui servir de fusible.
C’est donc lui, et lui seul, qui devra assumer l’échec de ses ministres aux élections législatives et départementales des 20 et 27 juin. Pas moins de quinze ministres sont candidats sur les listes de la majorité présidentielle. Un pari suicidaire, car non seulement ils ne seront pas élus, mais les sondages les créditent de scores ridicules. La question est de savoir s’ils pourront rester au gouvernement après leur défaite. Au final c’est Macron qui décidera, comme toujours !
Il est grand temps de redonner des couleurs à la vie démocratique. Les Français boudent les urnes, car ils ne se reconnaissent plus dans les institutions. En renonçant à introduire une dose de proportionnelle pour les prochaines législatives- contrairement à la promesse qu’il avait faite à François Bayrou- Macron ne va pas inciter les électeurs à retrouver le chemin des bureaux de vote. Et tant pis (ou tant mieux!) si le Rassemblement national, premier parti de France, est sous-représenté au Palais Bourbon. Après Sarkozy et Hollande, Macron est le troisième président à avoir envisagé puis renoncé à réformer le mode d’élection des députés afin que soient mieux représentées les forces politiques du pays. Faut-il s’étonner dès lors que la France soit considérée comme une « démocratie imparfaite » selon l’évaluation annuelle de l’indice de démocratie réalisée par le groupe de presse britannique « The Economist group » qui la classe au 24e rang (sur 167 pays) loin derrière les pays de l’Europe du Nord ou l’Espagne qui bénéficient du label « démocratie pleine » ? Une dégradation de l’indice qui remonte au mandat de Sarkozy et qui n’est pas à l’honneur de notre pays.