Il s’était pourtant promis de ne rien lâcher. Le bateau de migrants, c’était à l’Italie de s’en occuper, un point c’est tout. Mais malgré les pressions et les menaces Rome n’a pas cédé et c’est à Toulon que l’Ocean Viking a accosté.
Ce bras de fer remporté par l’Italie a aussitôt suscité des réactions dans la classe politique. Macron n’avait-il pas tenu tête à l’Italie en 2018 obligeant l’Espagne à accueillir l’Aquarius et ses 630 passagers dans le port de Valence? L’attitude de fermeté qu’il avait eue à l’époque contraste singulièrement avec le « laxisme » que dénonce Marine Le Pen tout comme Eric Zemmour qui s’est rendu à Toulon avec l’état-major de Reconquête pour protester contre l’arrivée du navire qu’il considère comme un « événement gravissime et historique ».
Mais c’est la réaction inattendue et quelque peu tardive de Gérard Collomb qui a suscité le plus de commentaires. Fustigeant dans un tweet la décision d’accueillir l’Ocean Viking à Toulon, l’ancien ministre de l’Intérieur en profite pour clarifier sa position et marquer sa différence avec Macron. Il affirme d’ailleurs que c’est la question migratoire sur laquelle il était en opposition avec le président de la République qui l’a conduit à démissionner du gouvernement. Pour lui, la décision d’accueillir le navire et ses 230 passagers « ouvre une nouvelle brèche, créant un précédent ». Il enfonce le clou en précisant : « On renforce plus le problème qu’on ne le résout en créant un appel d’air ».
Son successeur Gérald Darmanin avait répondu par avance à cette critique en précisant que la décision d’accueillir le bateau de SOS Méditerranée dans un port français avait été prise « à titre exceptionnel ». Les pays européens n’étant pas parvenus à se mettre d’accord pour définir une politique en matière migratoire, il est malheureusement à craindre que la décision prise par Macron soit un encouragement pour les passeurs à poursuivre leurs fructueuses activités. Car le trafic d’êtres humains est très rémunérateur. Un rapport de l’Office des Nations unies de lutte contre la drogue et le crime (UNODC) estime qu’en 2016 il a généré entre 274 et 300 millions d’euros pour les trafiquants qui ont fait prendre le risque de traverser la Méditerranée à 375 000 personnes. Un scandale connu de tous qui dure depuis des années et contre lequel rien n’est fait.
Collusion
La collusion entre les passeurs et les bateaux des ONG dites « humanitaires » n’est plus un secret. « C’est la politique du fait accompli » s’insurge Jordan Bardella au micro de Cnews. Pour lui il est nécessaire de « faire la lumière sur le jeu trouble de toutes ces ONG d’extrême-gauche qui décident de la politique d’immigration de la France ». Et le président du Rassemblement national de souligner : « C’est fou ce qui se passe. Ce n’est plus le ministère de l’Intérieur qui décide de la politique d’immigration en France, à Paris, ce sont des ONG d’extrême-gauche, depuis des bateaux en mer qui mettent les nations européennes devant le fait accompli et qui forcent nos nations à accueillir des personnes dont une très large majorité du peuple français ne souhaite pas ».
Encore faudrait-il que Macron cesse de tergiverser et adopte une position claire en s’alignant sur Malte et l’Italie qui ont définitivement interdit l’accès de leurs ports aux navires transportant des migrants. Le chantage aux naufragés n’a que trop duré. L’absence de politique européenne en matière migratoire a causé la mort par noyade de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants en Méditerranée.
La politique du « No way » mise en place depuis des années par l’Australie doit servir d’exemple. « Vous ne ferez pas de l’Australie votre maison. Sans visa il n’y a pas d’entrée possible en Australie » proclament de grandes affiches à l’entrée des ports. Et ça marche ! Plus aucun migrant ne se risque à tenter de rejoindre les côtes australiennes car il sait que s’il se fait prendre il risque l’enfermement dans une île minuscule du Pacifique.
Malheureusement il reste encore beaucoup de chemin à faire et d’esprits à convaincre avant d’atteindre cet objectif. L’ancien directeur de l’agence Frontex en sait quelque chose. Fabrice Leggeri a remis sa démission fin avril suite à une enquête de l’office de lutte antifraude (l’olaf) pour des cas présumés de pushback (refoulement) de migrants en mer Egée. La lecture du rapport l’a convaincu d’un dévoiement du mandat de l’agence européenne de garde-frontières opposant sa conception « policière » de Frontex à une conception « humanitaire ». Revenant sur les raisons de sa démission, l’ancien patron de Frontex explique : « Le mandat de l’agence dans laquelle je suis entré comme directeur exécutif en 2015 c’est d’être une force de police des frontières qui soutient les états membres dans le contrôle des frontières. Certains estiment que le rôle de l’agence est d’être un organe qui vérifie comment les états membres appliquent les droits fondamentaux aux frontières ». Un glissement politique qui en dit long sur les ambigüités de la politique européenne en matière migratoire ! Une situation qui n’est pas pour déplaire à Macron et ne peut qu’encourager les mafias de passeurs.