Macron ou l’art de la provocation permanente

A peine l’année 2022 vient-elle de commencer que la polémique s’invite déjà dans l’actualité.

En attribuant la légion d’honneur à Agnès Buzyn, le pouvoir devait s’attendre à recevoir de vives critiques. Bien que les Français aient la mémoire courte, ils n’ont pas oublié que celle qui fut ministre de la Santé du gouvernement d’Edouard Philippe avait quitté précipitamment le navire le 17 février 2020 en pleine pandémie. Elle s’était pourtant voulu rassurante sur la situation sanitaire puisqu’elle déclarait le 20 janvier que « Le risque d’importation depuis Wuhan est quasi nul. Le risque de propagation du coronavirus dans la population est très faible ». Pourquoi donc ce changement de discours lorsqu’elle affirmait au Monde, un mois après sa désertion, qu’elle avait alerté l’exécutif dés janvier sur la gravité de la pandémie. « Je savais que la vague du tsunami était devant nous » confiait-elle au quotidien du soir. Une manière de se défausser de ses responsabilités en faisant porter le chapeau à Macron décidé à maintenir coûte que coûte le scrutin des élections municipales de mars 2020. « On aurait dû tout arrêter. C’était une mascarade. La dernière semaine a été un cauchemar. J’avais peur à chaque meeting » soulignait celle qui avait succédé à Benjamin Griveaux comme tête de liste pour Paris. Avec des amis pareils, on n’a pas besoin d’ennemis !

Mais Macron n’est pas rancunier ! Faisant fi des déclarations contradictoires et des propos peu aimables à son encontre de l’ancienne ministre qui est aujourd’hui directrice exécutive de l’Académie de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’hôte actuel de l’Elysée a estimé qu’Agnès Buzyn méritait de recevoir cette prestigieuse décoration créée par Napoléon pour récompenser ceux qui ont contribué au bien commun en France. Peu importe les milliers de plaintes déposées contre elle par les familles des victimes du Covid ou des associations de médecins. Peu importe qu’elle ait été mise en examen par la Cour de Justice de la République en septembre 2020 pour « mise en danger de la vie d’autrui » dans sa gestion catastrophique de l’épidémie de Covid 19 et placée sous le régime de témoin assisté pour « abstention volontaire de combattre un sinistre ». Peu importe le tollé prévisible qu’allait déclencher cette nomination en pleine campagne électorale pour les présidentielles, il fallait que soit mise à l’honneur l’épouse d’Yves Lévy, l’ancien patron de l’institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM). Pourquoi une telle provocation, un tel mépris vis-à-vis des victimes du Covid ? Pourquoi galvauder une décoration portée par tant d’authentiques héros ? Une incompréhension qui conduit à se poser des questions. Quel inavouable secret cache cette récompense si peu méritée ? Les mois qui viennent devraient pouvoir nous permettre d’y répondre.

Inexcusable décision

Comme pour les trains une polémique peut en cacher une autre jusqu’à l’étouffer. C’est ce qui s’est produit avec l’affaire du drapeau européen déployé sous l’Arc de triomphe le 31 décembre pour célébrer le début de la présidence française du conseil de l’Union européenne. « C’est pire qu’un crime, c’est une faute » avait déclaré Joseph Fouché, alors ministre de la police de Napoléon Bonaparte après l’assassinat du Duc d’Enghien le 21 mars 1804. Cette citation peut convenir à l’inexcusable décision prise par l’exécutif de faire flotter le drapeau européen au dessus du tombeau du soldat inconnu. La vie politique est faite de symboles. Et s’il est un symbole auquel on ne peut pas toucher, c’est bien le drapeau tricolore. Car il représente la France. Il est la France. Il tient sa légitimité du sang versé par ceux qui ont donné leur vie pour la défense de notre patrie sous toutes les latitudes. Remplacer le drapeau tricolore par le drapeau européen constitue une faute politique impardonnable pour un chef d’état.

Le pouvoir devait donc s’attendre à des réactions violentes. Il n’a pas été déçu ! Marine Le Pen a été la première à dégainer dans l’après-midi du 31 décembre dénonçant « une atteinte à l’identité de notre pays », qualifiant la décision de « provocation » qui « offense ceux qui se sont battus pour la France » en demandant à Macron de « rétablir notre drapeau national ». Eric Zemmour lui a emboîté le pas estimant qu’il s’agissait d’un « outrage ». Plus virulent encore Nicolas Dupont-Aignan s’est insurgé contre le chef de l’Etat allant jusqu’à le qualifier de « profanateur qui piétine nos couleurs nationales ». Plus dans la nuance Valérie Pécresse a lancé : « Présider l’Europe, oui, effacer l’identité nationale, non ! » demandant à Macron de « rétablir notre drapeau tricolore à côté de celui de l’Europe… nous le devons à tous nos combattants qui ont versé leur sang pour lui ».

Surpris, semble-t-il, par cette volée de bois vert, le pouvoir a réagi par la voix de Clément Beaune, secrétaire d’Etat aux affaires européennes. « Le dispositif est en place pour quelques jours… le drapeau français sera évidemment réinstallé ensuite, sans le drapeau européen ». Insuffisant pour Marine Le Pen qui annonça dans l’après-midi du jour de l’an son intention de déposer un recours en annulation et d’introduire une demande de suspension de la décision auprès du conseil d’Etat. Une menace qui a amené sans doute le pouvoir à réfléchir puisque le drapeau de la discorde a été retiré dans la nuit du 1er au 2 janvier, moins de quarante-huit heures après avoir été installé. Tandis que Marine Le Pen se félicitait de cette décision saluant sur twitter « une belle victoire patriotique » et remerciant « la mobilisation massive de tous les amoureux de la France et de la République pour faire reculer Emmanuel Macron », le pouvoir, décidément mauvais perdant, a soutenu par la voix du même Clément Beaune que le « timing » avait été respecté. « Il n’y a eu aucune reculade, aucun changement » déclara toute honte bue le sous ministre des affaires européennes.
Une présidence qui débute dans la cacophonie. Un mauvais signal pour une Europe qui doute d’elle même.