Macron peut-il sortir du piège dans lequel il s’est enfermé?

La situation est cocasse. Elle prêterait à rire s’il ne s’agissait pas de l’avenir de notre pays. Autrement dit de l’héritage que nous laisserons à nos enfants et petits-enfants.

Moins d’une année après sa réélection, Macron se trouve enlisé jusqu’au cou. La réforme des retraites lui a été fatale. Son manque d’expérience politique éclate au grand jour. Aucun de ses prédécesseurs n’aurait agi avec autant de légèreté. « Un chef est fait pour cheffer » disait Chirac. Encore faut-il qu’il s’en donne les moyens. A commencer par disposer d’une majorité solide au parlement et d’un gouvernement formé de ministres expérimentés. Quand ce n’est pas le cas mieux vaut éviter de mettre sur la table des dossiers explosifs comme celui sur la réforme des retraites.

Mais Macron s’est cru plus malin que d’autres. Il a pensé jusqu’au bout qu’il allait faire voter son texte par les députés en dépit de l’opposition de l’ensemble des syndicats et d’une large majorité de l’opinion. Mais rien ne s’est passé comme il l’avait prévu. L’opération main tendue aux LR n’a pas eu le succès espéré. Le chef de l’état et ses stratèges ont eu beau retourner le problème dans tous les sens, envisager toutes les hypothèses, le compte n’y était pas. Alors plutôt que d’essuyer une cuisante défaite à l’Assemblée, Macron a pris au dernier moment la folle décision de dégainer le 49-3, c’est-à-dire de passer en force. Manière de faire un joli pied de nez aux députés après des débats parlementaires escamotés. Mais c’est lui, en fait, qui a été pris au piège.

Car la décision d’utiliser le 49-3 a eu pour conséquence immédiate de faire monter d’un cran la fièvre dans le pays. Les syndicats, à commencer par la CFDT, se sont sentis trahis. Et la colère du peuple face à ce coup de force s’est cristallisée sur Macron qui se retrouve aujourd’hui bien seul face à son destin. Que peut-il faire pour sortir de cette situation intenable ?

Il était de coutume dans « l’ancien monde » de faire porter le chapeau au Premier ministre dont le rôle, par définition, est d’être le fusible du président. Mais rien de tel dans « le nouveau monde » macronien. Elisabeth Borne n’a pas tenu ce rôle. L’ancienne préfète est restée sagement dans l’ombre de Macron qui doit seul assumer la situation de chaos dans laquelle est plongé le pays.

Un changement de Premier ministre ne permettrait pas de toute façon d’apporter une solution à la crise actuelle. « Faire le dos rond » en attendant de voir l’évolution du climat social est l’option préconisée par son entourage. Pas très glorieux pour un président qui s’est construit sur l’image d’un dirigeant énergique. Mais l’eau a coulé sous les ponts et en six ans Macron a accumulé beaucoup de colères, de frustrations et de déceptions chez les Français. Il en paye le prix fort aujourd’hui.

Le pays retient son souffle

Quoiqu’il en soit, l’avenir de la réforme des retraites est suspendue à la décision du Conseil constitutionnel. Les Sages rendront leur copie le 14 avril. En attendant ils consultent les opposants à la réforme. Ils doivent apprécier si l’utilisation d’une loi de finances rectificative de la Sécurité sociale constitue ou pas un « détournement de procédure ». Le pays retient son souffle. Les pronostics vont bon train. La décision des constitutionnalistes est attendue avec une certaine fébrilité par le gouvernement. Le Conseil abrogera-t-il tout ou partie du texte ? Personne n’est en mesure de le dire aujourd’hui. Les opposants à la réforme veulent y croire. Ce serait évidemment un camouflet pour le pouvoir, mais en même temps une opportunité pour lui de s’extraire de l’ornière dans laquelle il s’est embourbé. La remise à plat du projet permettrait au gouvernement de reprendre la main sur ce dossier mal ficelé et mal présenté aux Français. Avec l’espoir qu’il soit cette fois mieux accepté par l’opinion.

Mais dans le cas où le Conseil constitutionnel validerait le texte gouvernemental on peut s’attendre à de nouvelles mobilisations et à un renforcement de la contestation. Les Sages savent cela et nul doute qu’ils en tiendront compte dans leur décision. Alors, que restera-t-il comme porte de sortie pour Macron ? L’abandon pur et simple du projet comme l’a fait Chirac avec le CPE ? C’est ce que souhaitent ses opposants mais que Choupinet n’acceptera jamais. Il est trop orgueilleux pour cela ! Si l’on exclue cette hypothèse et pour peu que l’on se projette vers l’avenir Macron n’aura plus le choix qu’entre deux solutions : la dissolution de l’assemblée ou sa propre démission. Car le pays est devenu aujourd’hui ingouvernable. Son impopularité est telle qu’en cas de dissolution il ne retrouverait même plus de majorité. Il serait contraint à une cohabitation avec le Rassemblement national, seul parti qui tire profit de la situation actuelle en grimpant dans les sondages. Quand à sa propre démission, il n’ose même pas l’envisager. Vu le fort rejet qu’il suscite il serait immanquablement battu. A moins d’un revirement imprévisible de l’opinion.