Mais où est passée la droite de gouvernement ?

La France n’a jamais été autant à droite. Les sondages l’indiquaient, les élections l’ont confirmé. Pourtant la candidate investie par les Républicains a réalisé un score ridiculement bas à la présidentielle. Explications !

Où sont donc passés les électeurs Républicains ? Ceux qui votaient depuis toujours pour cette droite attachée à ses valeurs traditionnelles. Ceux qui approuvaient la fermeté de Michel Poniatowski, le bras droit de Giscard qui promettait de « terroriser les terroristes », une formule choc que reprendra plus tard Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur de Chirac. Ceux qui reconduisaient régulièrement à l’Assemblée nationale le grand résistant que fut Alain Griotteray, l’un des fondateurs de l’UDF qui prônait une alliance avec le Front national. C’était l’époque où le RPR, présidé par Jacques Chirac, ne craignait pas d’affirmer ses positions très droitières sur l’immigration. Qui ne se souvient de ce rare moment de vérité télévisuel où lors de l’émission « des paroles et des actes » d’octobre 2014 Alain Juppé resta coi en découvrant les principaux points du programme du parti gaulliste de 1990, époque où il en était, pourtant, le secrétaire général ? : fermeture des frontières, suspension de l’immigration, prestations sociales réservées aux Français, incompatibilité entre l’islam et les lois de la République. « C’était une erreur ! » lâcha piteusement l’ancien Premier ministre.

Quand on refuse d’assumer ses choix, qu’on a honte de ses idées, qu’on n’est pas convaincu de la politique à suivre, on en arrive inéluctablement à opérer des renoncements, voire des reniements que les électeurs interprètent comme des trahisons. « La décomposition de la droite était inscrite dans l’abjuration de Sarkozy entre 2007 et 2012 » affirme Patrick Buisson dans Le Point (21 avril). Le soutien apporté à Macron entre les deux tours par l’ancien chef de l’Etat s’inscrit dans ce processus. Celui qui fut le conseiller écouté de Sarkozy ne se fait pas d’illusion sur l’attitude de ce dernier. « On se trompe quand on l’accuse, aujourd’hui, de trahison. C’est un homme d’une rare constance. Il a toujours fait passer ses intérêts avant ses convictions ».

Abandonnés en rase campagne

On comprend dès lors le désarroi des 101 députés LR sortants abandonnés en rase campagne après la cinglante défaite de leur candidate à la présidentielle. Nombre d’entre eux hésitent à se représenter alors que d’autres ont pris la décision d’abandonner purement et simplement la vie politique. Pour ceux qui, malgré tout, brigueront à nouveau les suffrages des électeurs, se posera la question des alliances au deuxième tour. Il leur faudra alors choisir entre le soutien de la République en marche ou celui du Rassemblement national pour l’emporter. Cruel dilemme !

Ce quasi effacement de la « droite de gouvernement » n’est pas pour autant une surprise. Elle était même prévisible depuis le faible score obtenu par la liste conduite par François-Xavier Bellamy aux élections européennes de mai 2019. Avec 8,48 % des voix, c’était le pire score jamais réalisé par la droite. A l’époque on avait parlé de « déroute », d’un « échec historique ». « Nous sommes à la croisée des chemins, on peut disparaître » avait prévenu Bruno Retailleau, chef de file des sénateurs LR. Comme d’autres, il avait appelé à une « refondation » du parti. Trois années plus tard le score calamiteux de Valérie Pécresse à la présidentielle (4,78%) démontre que LR n’a pas su tirer les conséquences de son échec et que la descente aux enfers du parti gaulliste se poursuit inexorablement.

Depuis des années la droite dite de gouvernement se cherche un chef, un patron qui lui indique la direction à suivre. Faute d’avoir trouvé cet oiseau rare elle ne cesse de se déchirer. Qu’ont en commun un Juppé et un Fillon, un Estrosi et un Ciotti, un Coppé et un Wauquiez ? Certains sont tentés par Macron qui ne ménage d’ailleurs pas ses efforts pour les attirer à lui, d’autres se sentent plus proches de la droite nationale. A terme, l’implosion de ce parti est inéluctable. Les prochaines élections législatives vont permettre de clarifier la situation. On verra les opportunistes quitter le navire pour rejoindre En marche et ceux qui défendront leurs convictions au risque de perdre leur siège. Les mondialistes apatrides d’un côté, et de l’autre les patriotes souverainistes. La campagne électorale promet d’être riche en péripéties au sein du parti !