Mali : voilà où nous mène la politique africaine de gribouille de Macron !

Quel jeu joue la France au Mali ? Avec l’expulsion de notre ambassadeur la question se pose du maintien de la force Barkhane dans ce pays.

Le coup est rude pour la diplomatie française. La tension grandissante au cours de ces derniers mois entre Paris et Bamako vient de monter encore d’un cran. En annonçant lundi 31 janvier sa décision d’expulser l’ambassadeur de France sous trois jours, la junte militaire au pouvoir au Mali, vient de signifier aussi clairement que brutalement à la France qu’elle ne voulait plus d’elle.
Au-delà du sentiment d’ingratitude que l’on peut ressentir quand on sait les efforts accomplis par notre pays pour former les unités de l’armée malienne à lutter contre les attaques terroristes au prix du sang de ses soldats – rappelons que 53 de nos hommes ont perdu la vie au Sahel dont 48 sont tombés au Mali – on peut s’interroger sur la pertinence de la diplomatie française dans ses relations avec l’ancien Soudan français.

Certes, il est important de rappeler que c’est à la demande des autorités maliennes que l’armée française est intervenue en janvier 2013 dans ce pays pour repousser une offensive djihadiste. Neuf ans plus tard, alors que la menace terroriste est toujours aussi présente, les militaires au pouvoir réclament le départ de l’ambassadeur de France. Un véritable camouflet diplomatique qui place Paris dans une situation des plus inconfortable. Le Mali est en proie à une instabilité chronique. Un climat de guerre civile latent règne dans ce pays en proie depuis des années à de très nombreuses violences terroristes mais aussi interethniques. Comme dans la plupart des pays africains, les administrations sont notoirement corrompues et les gouvernements aussi illégitimes qu’inefficaces sont néanmoins reconnus par la communauté internationale.

Lorsque le président Ibrahim Boubacar Keita est renversé le 18 août 2020 par un coup d’Etat militaire, la France proteste, Macron juge la situation « inacceptable ». Il n’y a pourtant pas eu effusion de sang. Un gouvernement de transition est formé. Pourtant, neuf mois plus tard, suite à l’éviction de deux militaires, le nouveau président ainsi que le premier ministre sont démis de leurs fonctions par des putschistes bien décidés à reprendre les rênes du pays. Nous sommes en mai 2021. Les relations entre la France et le Mali se dégradent. Des manifestations réclament le départ des forces françaises de l’opération Barkhane perçues par certains comme des troupes d’occupation. Curieux retournement de situation : ceux qui étaient accueillis en libérateurs hier sont aujourd’hui rejetés par des populations hostiles. Aux cris de « Vive la France » ont succédé des « A bas la France ». Pourquoi ? Que reproche-t-on aux soldats français venus combattre le terrorisme ? Les islamistes sont-ils derrière les manifestants ? Toujours est-il que ce retournement de l’opinion n’est pas pour déplaire à ceux qui rêvent d’instaurer un califat au Sahel.

Réduction des effectifs de Barkhane

C’est malheureusement le moment que choisit le gouvernement français pour annoncer une reconfiguration du dispositif militaire avec une réduction programmée des effectifs de la force Barkhane. Forte de 5 000 hommes à l’été 2021 celle-ci tombera à 3 000 hommes à l’été 2023. Trois de ses bases dans le nord du pays dont celle de Tombouctou seront rétrocédées aux forces armées maliennes.

Une décision surprenante qui n’est pas appréciée à Bamako. Le 26 septembre dernier, à la tribune de l’ONU le chef du gouvernement Malien ne cache pas son mécontentement face à la décision de Paris d’alléger son dispositif militaire français au Sahel qu’il qualifie d’« abandon en plein vol ». Il déplore que la décision de la France ait été prise de manière « unilatérale » et « sans concertation » avec l’ONU et le Mali. On sait à Bamako que sans l’aide de la France les forces armées maliennes seraient bien incapables de faire seules face à une offensive djihadiste. Le chef du gouvernement malien explique que pour « assurer la sécurité » du pays il va devoir chercher une solution alternative. Il laisse entendre, sans la citer, qu’il pourrait faire appel à des sociétés privées comme la force Wagner cette formation de mercenaires toujours disponible pour défendre les intérêts du Kremlin partout dans le monde où ils sont menacés.

La menace est prise au sérieux à Paris où l’on s’inquiète de l’influence grandissante de Moscou en Afrique où cette force paramilitaire est déjà présente en Libye et en Centrafrique. Paris va tenter par tous les moyens de dissuader les autorités maliennes de faire affaire avec la force Wagner tant pour assurer la formation de ses forces armées que la sécurité des dirigeants. « On ne va pas pouvoir cohabiter avec des mercenaires » a prévenu Florence Parly. En vain ! Pour Bamako, le désengagement de la France est un coup dur. Et ce ne sont pas les 800 hommes de la task force Takuba composée d’unités des forces spéciales de plusieurs pays européens qui permettront de rétablir l’équilibre militaire. Une force voulue par Paris et qui a d’ailleurs bien du mal à se constituer tant les états rechignent à en faire partie. C’est le début de l’escalade, du bras de fer, des petites phrases déplaisantes qu’on s’échange entre Paris et Bamako jusqu’à la situation de crise que l’on connaît avec l’expulsion de notre ambassadeur.

Comment sortir de cette impasse sans issue dans laquelle s’est fourvoyée notre diplomatie ? A trois mois de l’élection présidentielle, le dossier s’est invité dans la campagne. Faut-il prendre des mesures coercitives contre les dirigeants maliens comme le suggère Marine Le Pen après l’humiliation subie par notre pays ? A qui incombe la responsabilité de la situation ? Une chose est sure « toute la politique africaine de la France est à repenser » comme le déclare Eric Zemmour. En attendant la question du maintien de la présence de la force Barkhane au Mali se pose avec acuité d’autant que les hommes de la force Wagner occupent les bases abandonnées par la France dans le nord du Mali.  Devra-t-elle partir pour s’installer dans un autre pays du Sahel ? Voilà un dossier brûlant que le prochain président de la République trouvera sur son bureau de l’Elysée.