Pourquoi les banques refusent de prêter de l’argent au Front national

Le financement de la campagne présidentielle est un vrai problème pour le Front national. Alors que la plupart des sondages indiquent que Marine Le Pen sera présente au second tour, les banques refusent de lui prêter de l’argent. « Je suis combattue par les banques, cela pose un problème démocratique, s’insurge la présidente du FN sur BFMTV. J’ai sollicité les banques européennes, anglaises, américaines, russes. La première qui me dit « oui » évidemment j’accepte » assure-t-elle. S’agit-il de discrimination financière, comme elle le prétend ? D’un coup politique, comme en plaisantent ses adversaires ? Ou faut-il chercher ailleurs la raison des refus successifs de 47 banques?

Dans l’urgence Marine Le Pen a dû solliciter un prêt de 6 millions auprès de son père, avec qui elle est toujours officiellement brouillée. Un bol d’air qui lui permettra tout juste de couvrir les premiers frais mais pas de mener une campagne présidentielle. D’autant que le FN devra aussi trouver de l’argent pour le financement des élections législatives du mois de juin.

Et pourtant, la situation n’a jamais été aussi favorable pour le Front national. La progression de ses idées dans l’opinion lui a permis de faire élire des centaines d’élus, conseillers régionaux, départementaux, maires, des députés et sénateurs qui lui donne la certitude de réunir les 500 parrainages nécessaires à la candidature de Marine Le Pen. Sans même parler du seuil de 5% de voix nécessaire pour prétendre au remboursement de ses frais de campagne par l’Etat.

Des garanties qui, pourtant, ne semblent pas suffisantes pour les banques. Sans doute ont-elles été échaudées par l’affaire Bygmalion et l’invalidation des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy ! Sans doute aussi rechignent-elles à financer un parti qui, quelque soient les efforts de ses dirigeants pour le dédiaboliser, n’est pas assez « politiquement correct ».

Système frauduleux

Mais il y a aussi et surtout des risques que les banquiers ne veulent pas prendre de financer un parti qui « demeure lourdement endetté et n’est pas à l’abri de déconvenues judiciaires » souligne le Huffington Post. Ces dernières années, en effet, et tout récemment encore, des cadres et dirigeants du Front national ainsi que le parti en tant que personne morale ont été mis en examen. La justice soupçonne la mise en place d’un système frauduleux ayant conduit à des surfacturations au préjudice de l’Etat à l’occasion des élections législatives de 2012. « Le parti n’arrive pas à apurer ses dettes » assure le Parti de la France(Pdf) de Carl Lang. Ces anciens du Front national précisent que le déficit se creuserait d’année en année pour atteindre 13 millions d’euros. Plus grave encore, le FN n’aurait pas remboursé l’emprunt consenti par la banque tchéco-russe qui lui ferait un procès. Pas de quoi rassurer les banquiers !

Au-delà de ces aléas financiers du FN se pose la question du financement par les banques des campagnes électorales. Si la question du remboursement par l’Etat a été réglée, il n’en reste pas moins que les candidats doivent avancer les fonds et donc emprunter aux banques. La Société générale a pris la décision de ne plus prêter aux partis politiques. D’autres établissements bancaires le font plutôt « à la tête du client ». L’Etat à qui incombe la responsabilité de faire vivre la démocratie en organisant les élections ne devrait-il pas légiférer pour imposer aux banques de prêter aux candidats, comme le demande le FN ? Ou, comme le propose François Bayrou, de créer une « banque civique » destinée uniquement au financement des campagnes présidentielles.