Macron envisagerait parait-il de commémorer mai 68. L’information parue voici quelques jours dans l’Opinion aurait pu passer pour un canular. Pas du tout, l’Elysée confirme réfléchir à une évocation de ces événements « sans dogmes, ni préjugés » pour « sortir du discours maussade ».
Quelle mouche a donc piqué Jupiter ? A priori l’idée parait absurde, voire saugrenue. Comment l’ancien banquier de chez Rothschild peut-il être nostalgique d’une époque qu’il n’a pas connue -et pour cause puisqu’il n’était pas né- et qui apparaît à ses yeux comme « le temps des utopies et des désillusions » ?
Faut-il voir dans ce désir d’évoquer les événements de 68 un trait de la personnalité complexe de l’actuel locataire de l’Elysée tiraillé par des tentations contraires ? Celle d’un personnage à double face, en même temps docteur Jekill et mister Hyde. Côté pile le dirigeant toujours impeccable en costume et cravate. Côté face le bobo fasciné par le romantisme révolutionnaire et qui joue à se faire peur.
En cela Macron apparait bien comme l’héritier des « soixante-huitards », ces fils de bourgeois qui voulaient renverser l’ordre ancien pour le remplacer par une société post-moderne, sans hiérarchie ni entraves, tournée uniquement vers la jouissance. « Cours camarade, le vieux monde est derrière toi ! » proclamait une affiche de l’époque. Un slogan qui n’est pas sans rappeler « l’ancien monde » cher aux macronistes.
Un souffle révolutionnaire
Mais comment célébrer ces événements vieux d’un demi-siècle sans déchainer les passions et diviser un pays qui a surtout besoin d’unité ? Car mai 68 a profondément marqué les esprits et n’a laissé personne indifférent. Durant des semaines, un souffle révolutionnaire a tenu Paris et tout le pays en haleine.
Partie de la faculté de Nanterre au mois de mars, la contestation étudiante a rapidement gagné Paris, enflammant le quartier Latin livré aux émeutiers retranchés derrière des barricades. Les ouvriers ont ensuite rejoint le mouvement qui a vu défiler des centaines de milliers de manifestants dans les rues. Après les universités, les usines ont fermé, puis les administrations déclenchant la plus grande grève générale « sauvage » de l’histoire qui a totalement paralysé le pays pendant plusieurs semaines.
Est-ce cela que Macron veut commémorer ? Sont-ce les lanceurs de pavés trotskystes, maoïstes, anarchistes et autres casseurs qu’il compte mettre à l’honneur ? Veut-il saluer le courage et le sang-froid des policiers et des gendarmes confrontés à des situations de violence extrême ?
N’oublions pas que le chef de l’Etat a été très marqué par Paul Ricoeur qui enseignait, à l’époque, à la faculté de Nanterre, berceau de la contestation étudiante. Et que le philosophe socialiste est intervenu avec d’autres professeurs pour soutenir Daniel Cohn-Bendit, leader du mouvement du 22 mars, menacé d’exclusion.
Mascarade macronesque
Or, c’est Dany le Rouge, figure emblématique de mai 68, qui sera le principal conseiller, pour ne pas dire le maitre d’œuvre de cette mascarade macronesque. La boucle est ainsi bouclée. L’ancien agitateur soixante-huitard qui scandait avec ses camarades gauchistes « Elections=piège à cons » – ce qui ne l’empêcha pas de faire une belle carrière politique comme député européen chez les Verts – va pouvoir reprendre du service.
Notre monarque républicain ne manquera pas de mettre en exergue les acquis sociaux résultant des accords de Grenelle signés le 27 mai 68 entre le gouvernement et les syndicats après d’âpres négociations. Celui qui dans son interview au Point du 31 août dernier expliquait que la France est « un pays qui se réforme moins qu’il ne se transforme dans des spasmes soudain » soulignera bien entendu que c’est à ces évènements que l’on doit l’augmentation de 35% du SMIC, la 4e semaine de congés payés et l’augmentation de 10% de tous les salaires.
Evoquera-t-il avec le même enthousiasme les dégâts causés à la France par la « chienlit » pour reprendre l’expression du général de Gaulle, le chef de l’Etat d’alors ? Le désordre moral qui s’ensuivit avec l’idée pernicieuse de la permissivité dans tous les domaines traduite par le fameux slogan: « Il est interdit d’interdire ! » placardé sur les murs ? La dictature du relativisme imposée comme une valeur libératrice ? Les frontières abolies entre le bien et le mal, le laid et le beau, le vrai et le faux ? Bref, le délire complet d’enfants gâtés d’une société d’opulence qui vivait la fin des trente glorieuses à une époque où la France ne comptait que 500 000 chômeurs.
Dégâts irrémédiables
Et l’Education nationale ! Pourra-t-elle se relever un jour des dégâts irrémédiables causés par cette pseudo-révolution qui a détruit l’école de Jules Ferry et de Ferdinand Buisson ? Au diable la discipline ! Fini le respect dû au maitre ! Supprimé le classement qui provoquait une saine émulation entre les élèves. Cinquante ans après un mouvement inverse semble se dessiner. L’opinion réclame plus de discipline à l’école et se montre favorable au port de la blouse, voire de l’uniforme pour les élèves.
Attention. Il ne faut pas trop jouer avec le feu ! Vouloir commémorer en grandes pompes ce moment d’illusion lyrique-pour ne pas parler de folie-collective comporte des risques. La France d’aujourd’hui n’est pas celle des années soixante. Le monde aussi a changé. Le communisme est mort. Il a été remplacé par le totalitarisme islamique qui constitue une menace mortelle pour notre société. Plutôt que de se pencher sur cette pseudo révolution qui a pris fin en quarante-huit heures lorsque le peuple s’est lassé de ces images de violence diffusées par la télévision, Macron ferait mieux de consacrer cet argent à informer les Français des dangers bien réels que court notre pays. « Ca va très mal finir ! » confiait récemment Nicolas Sarkozy à propos de Macron qu’il trouve déconnecté de la réalité. L’ancien président de la République craint qu’il se produise en France une « éruption politique ». Et cette fois il y a tout lieu de penser que ce ne sera pas une révolte de bisounours.
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