Quel crédit apporter aux sondages ?

« Il est où le bonheur, il est où ? ». Comme le chante Christophe Maé, les Français sont à sa recherche. Un sondage réalisé par BVA et publié par le Point (1/2/2018) nous révèle que 50% de nos compatriotes sont heureux.

« C’est une première, souligne l’hebdomadaire : depuis 2012 et la réalisation du premier baromètre du bonheur par BVA les Français se disent heureux (ou très heureux) ». Certes 42% se considèrent comme ni heureux ni malheureux, 7% s’avouent même malheureux et 1% des sondés ne se prononçent pas.

Le sondage ne nous dit malheureusement pas ce qui les rend heureux. On apprend seulement que le pourcentage des « gens heureux » a progressé de 1% par rapport à 2016. Faut-il voir dans ce frémissement un certain optimisme dû à la reprise économique du pays?

« Il faut se méfier des sondages. On peut leur faire dire n’importe quoi ! » Cette formule très prisée par les politiques peut se vérifier à la lumière des enquêtes d’opinion menées par les différents instituts de sondage. Selon une étude de l’IFOP réalisée du 20 au 22 décembre derniers et publiée dans Ouest-France du 31 décembre 2017, les Français sont à 70% heureux de vivre en France « mais 59% sont pessimistes pour leur avenir et celui de leurs enfants ».

Que penser de ce sondage ? Si l’on creuse un peu la question et que l’on demande aux sondés ce qui leur semble positif en France, les réponses sont déconcertantes, voire affligeantes. En premier vient l’absence de guerre (27%), puis la Sécurité sociale et les aides sociales (17%), le tourisme (16%), la liberté d’expression (15%), la culture, le domaine artistique et le patrimoine (13%). Bref rien de folichon dans ces réponses. Les Français seraient-ils blasés de leur pays qui attire cependant chaque année de plus en plus de visiteurs du monde entier ?

Un bonheur très relatif

L’étude de BVA situe la France à la 41e place sur 66 pays. Selon ce sondage les pays où l’on se considère le plus heureux sont dans l’ordre : les Iles Fidji (94%), la Colombie (89%), les Philippines (86%), le Mexique (84%), le Vietnam (78%). Aucun pays européen ne figure dans le Top 10.

A l’inverse, un rapport du World Happiness Report rendu public le 20 mars 2017, a consacré la Norvège comme le « pays le plus heureux du monde ». Elle est suivie dans l’ordre du Danemark, de l’Islande, de la Suisse, de la Finlande, des Pays-Bas, du Canada, de la Nouvelle-Zélande. Des pays occidentaux, européens essentiellement. Pas un seul pays « exotique » dans ce classement où la France se situe au 31e rang sur un total de 158 pays. Que conclure de ces sondages apparemment contradictoires ? D’abord que l’on peut être heureux, voire très heureux en Norvège, prés du cercle polaire arctique, comme aux Iles Fidji, sous les Tropiques. Que, par conséquent le bonheur n’est pas nécessairement lié au climat. Encore que l’on puisse se poser la question compte tenu des températures diamétralement opposées entre le nord de l’Europe et les pays tropicaux ! L’explication par le climat fournissant la raison pour laquelle la France, pays au climat tempéré reste à la traîne dans les deux sondages.

Il apparait ensuite clairement qu’une étude d’opinion est avant tout orientée par les critères retenus par les sondeurs. Peut-on comparer, par exemple, le PIB des Fidjiens avec celui des Norvégiens? Il serait, par contre, sans doute pertinent de leur poser la question de la qualité de vie, d’interroger les uns et les autres sur leurs plaisirs, leurs désirs, leurs espoirs. Des questions qui conduisent à la grande interrogation : qu’est-ce que le bonheur ? Est-ce une construction personnelle, une volonté individuelle, comme le prétendent certains. Certes, pour les occidentaux il parait incontestablement lié aux progrès techniques, scientifiques, sociaux et médicaux, mais cela suffit-il comme explication ?

Pas à un paradoxe près

En juillet 2015, une étude de l’observatoire du bonheur (oui, çà existe !) indiquait que 82% des Français se disaient heureux malgré la crise et un chômage toujours plus fort. A 65% ils estimaient que « le bonheur ne tombe pas du ciel, il est avant tout une question de volonté ». Serions-nous donc plus heureux quand les conditions de vie sont plus difficiles ? Les Français ne sont pas à un paradoxe près.

Faute de pouvoir trancher contentons-nous de réfléchir à la définition du bonheur que suggère Wikipédia: « Etat durable de plénitude, de satisfaction ou de sérénité, état agréable et équilibré de l’esprit et du corps d’où la souffrance, le stress, l’inquiétude et le trouble sont absents ». Une description clinique qui ne donne pas pour autant la clef permettant d’accéder à la félicité.

Les anciens l’avaient peut-être trouvée avec le « Carpe Diem ». A une époque où les sondages n’existaient pas et que l’on n’avait pas encore inventé le baromètre du bonheur ils incitaient leurs contemporains à profiter du jour présent sans se préoccuper du lendemain.

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