L’échec prévisible de la motion de censure ne fait qu’ajouter à la confusion. Macron a cru s’en sortir en utilisant le 49-3. Il se retrouve aujourd’hui dans une impasse.
Qu’il est difficile de gouverner contre un peuple de « Gaulois réfractaires » ! Le gouvernement d’Elisabeth Borne a failli être renversé lundi soir. La motion de censure « transpartisane » a recueilli 278 voix. Il en aurait fallu au moins 287. Il n’a donc manqué que 9 voix aux oppositions pour faire tomber le gouvernement. C’est plus que ce qui était prévu, mais néanmoins insuffisant pour infliger une défaite au pouvoir en place. Le groupe Les Républicains s’est déchiré sur ce vote. Alors que les responsables du parti s’étaient prononcés en faveur du projet de réforme des retraites, il s’est trouvé tout de même 19 députés(sur 61) pour censurer le gouvernement. Le parti sort plus divisé que jamais de cette épreuve. L’Histoire retiendra qu’en ce 20 mars 2023 des députés LR ont volé au secours d’un gouvernement en perdition. Ils devront s’en expliquer devant leurs électeurs.
Car il faut bien remettre les choses à leur place. Ce projet de réforme des retraites présenté par le gouvernement a fait l’objet d’un rejet unanime de l’ensemble des syndicats. Chose rare ouvriers et cadres du public et du privé ont défilé côte à côte dans les manifestations qui ont eu lieu partout en France jusque dans des petites villes. Un mouvement de protestation largement soutenu par l’opinion qui a accepté bon gré mal gré les inconvénients résultant des gréves notamment dans les transports en commun. Devant un tel désaveu populaire n’importe quel autre gouvernement aurait jeté l’éponge et revue sa copie. Pas Macron l’entêté qui s’est obstiné dans son projet délirant avec l’acharnement et la brutalité sauvage de celui qui n’a plus rien à perdre. Il fallait que çà passe ou que çà casse « quoi qu’il en coûte » ! Quitte à malmener les institutions de la Ve République.
Se passer des députés
Macron a en effet réussi l’exploit de se passer des députés pour faire passer son projet de réforme des retraites. L’assemblée nationale n’a pas pu discuter du texte dans le temps imparti en première lecture. Les très nombreux amendements déposés par la Nupes ont considérablement ralenti le cours des débats et les députés n’ont même pas pu discuter de l’article 7 qui prévoyait le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Au Sénat, le gouvernement a imposé le vote bloqué sur l’ensemble du texte pour contrer l’opposition de gauche alors qu’il restait encore un millier d’amendements à débattre. La commission mixte paritaire réunissant des députés et des sénateurs est parvenue à se mettre d’accord sur un texte commun. Mais les efforts des parlementaires n’ont pas été récompensés. Macron, contre toute attente et en dépit des déclarations ministérielles les plus récentes a choisi de passer en force en dégainant le fameux article 49-3 pour la 11e fois depuis la nomination d’Elisabeth Borne à Matignon.
Un véritable quitte ou double sachant que l’opposition allait aussitôt déposer une motion de censure qui engagerait la responsabilité de son gouvernement. Pourquoi a-t-il pris cette décision ? Craignait-il à ce point de voir cette mesure phare de son second quinquennat repoussée par les députés et définitivement enterrée ? Toujours est-il que l’utilisation abusive de cette arme, certes constitutionnelle mais fort peu démocratique en réalité puisqu’elle prive les parlementaires de leurs prérogatives, sera interprétée commune un aveu de faiblesse. Le peuple ne s’y est d’ailleurs pas trompé qui est descendu immédiatement dans la rue pour dénoncer la brutalité du procédé.
Si, par le rejet de la motion de censure, la loi sur la réforme des retraites est ipso facto adopté, le pouvoir est loin d’avoir remporté la partie. Macron est le dos au mur. Le gouvernement d’Elisabeth Borne sort durablement affaibli de cette épreuve. On ne voit pas comment il pourra sereinement aborder les dossiers brûlants du quinquennat, celui sur l’immigration notamment porté par Gérald Darmanin. Par ailleurs le conseil constitutionnel qui va être saisi par l’opposition peut retoquer tout ou partie du texte. Il dispose d’un mois pour vérifier la validité de la loi sur la réforme des retraites. Enfin l’opposition de gauche souhaite l’organisation d’un référendum d’initiative partagée. Prévu par l’article 11 alinéa 3 de la constitution le RIP soutenu par 252 députés et sénateurs doit recueillir 4,8 millions de signatures pour être validé par le conseil constitutionnel. Une période de neuf mois sera nécessaire pour les recueillir. Macron voulait aller vite, mais il va devoir prendre son mal en patience avant de faire appliquer sa loi sur la réforme des retraites.