Pensez-vous qu’il soit normal que la communauté nationale prenne en charge le coût du séjour en prison des détenus ? En cette période de restrictions budgétaires où chacun est invité à se serrer la ceinture, il est temps de demander aux personnes incarcérées de prendre en charge tout ou partie de leurs frais de détention.
L’idée n’a rien d’incongru ni de scandaleux. Elle serait même plutôt dans l’air du temps. Puisque le gouvernement cherche de l’argent partout, opérant des coupes sombres dans le budget des ministères, à commencer par celui des armées, qu’il remet en cause les indécents avantages et privilèges de nos chers députés, qu’il va jusqu’à amputer scandaleusement de 5 euros le montant de l’APL, et qu’il s’apprête à rogner le pouvoir d’achat des retraités avec la hausse de la CSG, il serait inconcevable qu’il laisse le coût financier de la population carcérale entièrement à la charge du contribuable.
Aux Pays-Bas, depuis mai 2015, les détenus doivent payer leur séjour en prison. L’administration leur réclame une participation forfaitaire de 16 euros par jour d’incarcération. La somme est plafonnée à deux ans maximum, soit un total de 11680 euros que les prisonniers, ou leur famille s’ils sont mineurs, doivent régler dans un délai maximum de six semaines. Une contribution destinée à payer une partie des frais de justice et d’incarcération, mais également les dépenses liées à l’investigation des crimes qu’ils ont commis, jusqu’au dédommagement de leurs victimes. Une mesure qui rapporte chaque année 65 millions d’euros au budget du ministère Néerlandais de la Justice.
Une proposition de simple bon sens
Qu’attend-t-on pour faire la même chose en France? Une proposition de loi en ce sens avait bien été déposée en juin 2015 par Eric Ciotti et soutenue par plusieurs députés de l’UMP. Elle s’appuyait sur le rapport du sénateur Jean-René Lecerf pour le budget 2015 de l’administration pénitentiaire qui estimait le coût journalier moyen d’un prisonnier en France à 106 euros (chiffre 2013) soit 36500 euros par an. « Il n’est pas approprié que les détenus qui ont des moyens financiers soient intégralement entretenus par la société » soulignaient les députés proposant que « le montant de la participation (soit) proportionnel à leurs ressources et à leur patrimoine ».
Une proposition de simple bon sens. Certains détenus-on pense notamment aux proxénètes et aux trafiquants de drogue-ont du patrimoine, des revenus et un train de vie conséquent. Est-il normal qu’ils soient logés, nourris et soignés aux frais de la princesse ? Mais avec une Christiane Taubira au ministère de la Justice, cette proposition de loi était d’avance vouée à l’échec.
Le moment est venu de la relancer. Avec une population carcérale en constante augmentation qui atteint désormais 70 000 détenus, le gouvernement doit de toute urgence se pencher sur cette question de la participation financière des prisonniers à leurs frais de détention. Outre le fait que ce serait faire œuvre de justice et d’équité vis-à-vis des honnêtes gens qui, même en situation de précarité, doivent payer leur loyer, leur nourriture et les consultations chez le médecin, la menace de sanctions pécuniaires aurait, on peut l’espérer, un effet dissuasif sur les mineurs délinquants, car ce sont les parents qui devraient s’acquitter de leurs frais de séjour en prison s’ils venaient à être écroués.
Inciter les détenus à travailler
Toucher au porte-monnaie contribuerait, n’en doutons pas, à responsabiliser toute la famille. Une mesure qui aurait aussi pour effet d’inciter les détenus à travailler. Selon une étude de l’observatoire international des prisons le taux d’activité des personnes emprisonnées serait de l’ordre de 25%. Or le travail est une condition importante dans le processus de réinsertion des détenus dans la société. Il y a aurait donc tout à gagner à voir augmenter ce taux d’activité.
Cette contribution financière demandée aux détenus aurait aussi, sans doute, une répercussion sur la population carcérale. En France, on sait que les prisons sont surpeuplées. Le problème ne date pas d’hier. En 2006 il y avait 50 207 places de prison pour 60771 écroués. Dix ans plus tard on compte 58 587 places pour 68253 détenus. Autant dire qu’on n’arrive pas à résorber cette population carcérale en surnombre en dépit des alternatives à la détention prévues pour les peines inférieures à deux ans.
Construire toujours plus de prisons n’est pas une solution. Dans un entretien au Figaro du 17 février dernier, le candidat Macron affirmait vouloir construire 15 000 places supplémentaires pendant son quinquennat. Un coût de plus de trois milliards d’euros qui viendrait alourdir la dette de plus de six milliards contractée ces dernières années pour construire de nouvelles maisons d’arrêt. La parole est désormais à celui qui tient les cordons de la bourse France. Nul doute qu’il saura convaincre son banquier de patron de l’utilité d’une opération qui offre d’intéressants retours sur investissement.