Les chiffres doivent souvent être interprétés ! Certes Emmanuel Macron a été réélu à la présidence de la République avec 58,2% des voix, mais le Rassemblement national sort plus fort que jamais de cette élection.
Les macronistes ont, bien sûr, applaudi dimanche soir leur champion à l’annonce des résultats. Mais l’ambiance sur le Champ-de-Mars n’était pas vraiment à l’euphorie. Comme si cette victoire, bien réelle pourtant, avait un goût d’inachevé. Le président réélu ne s’y est pas trompé. « Nombre de nos compatriotes ont voté pour moi non pour soutenir les idées que je porte mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite » a-t-il lancé à ses partisans massés au pied de la tour Eiffel.
Le vainqueur de la présidentielle sait pertinemment qu’il a été élu par défaut. Il a opté délibérément pour une stratégie de diabolisation de sa concurrente en la désignant systématiquement comme « l’extrême droite ». Un épouvantail qu’on agite lorsqu’on n’a pas d’argument sérieux à opposer à son adversaire pour le disqualifier. Le procédé qui a fait ses preuves dans les années quatre-vingt, quatre-vingt dix en empêchant le Front national d’avoir des représentants dans les assemblées a été remis au goût du jour par Macron. En rabâchant à chaque discours cette antienne quelque peu démodée, il a sans doute réveillé de vieux souvenirs chez les anciens militants de gauche. Un renfort bienvenu qui lui a permis de l’emporter mais insuffisant pour cacher la réalité.
Macron a en effet perdu deux millions d’électeurs au cours de son quinquennat. Il avait totalisé 20 743 128 voix en 2017. Dimanche dernier il n’en a recueilli que 18 779 641. A l’inverse, Marine Le Pen qui avait obtenu 10 638 475 voix en 2017 en a gagné plus de deux millions et demi pour atteindre 13 297 760. Où sont passés les électeurs macronistes perdus en cours de route ? Certains se sont sans doute réfugiés dans l’abstention qui a atteint au 2e tour 28,01 % des inscrits, le plus fort taux depuis 1969 où lors du duel opposant Alain Poher à Georges Pompidou 31,1%. des électeurs n’avaient pas pris part au vote. D’autres ont exprimé leur mécontentement en glissant dans l’urne un bulletin blanc ou nul. Trois millions d’électeurs, soit 8,6% des votants, ont ainsi refusé de choisir entre les deux candidats. Mais beaucoup, déçus par l’homme qu’ils avaient porté au pouvoir en 2017 ont cette fois voté pour Marine Le Pen.
C’est la troisième fois en vingt ans que le Front national devenu Rassemblement national accède en finale de l’élection présidentielle. En 2002 face à Jacques Chirac, Jean-Marie Le Pen avait obtenu 17,79% des suffrages. En 2017 la candidate du Front national recueillait 33,9 % des voix. Dimanche dernier Marine Le Pen a ramené l’écart avec son concurrent à 41,2%. De quoi inquiéter, on en conviendra, tous ceux qui jouent à se faire peur avec l’ombre menaçante de la bête immonde !
En recul de cinq points
« Macron est le plus mal élu des présidents de la Ve République » a lancé Mélenchon dimanche soir après l’annonce des résultats. Des propos vivement critiqués par les soutiens de Macron. Il n’en demeure pas moins vrai que le vainqueur de la finale n’a recueilli que 38,52% des voix du corps électoral. Un recul de cinq points par rapport à 2017 où il avait obtenu 43,6% des suffrages. Il faut remonter à 1969 avec l’élection de Pompidou qui n’avait rassemblé que 37,5% des voix des électeurs pour retrouver un score aussi faible. On comprend que les Macronistes aient mis une sourdine à leur enthousiasme en ne s’attardant pas sur le Champ-de-Mars !
Car si l’on examine d’un peu plus près les résultats de cette élection on constate une forte progression du Rassemblement national partout en France. En dépit du matraquage incessant des médias qualifiant Marine Le Pen de candidate d’extrême droite, de l’hostilité du monde intellectuel, des artistes, des sportifs, et des syndicats, la représentante du Rassemblement national est arrivée en tête dans vingt-huit départements des Hauts-de-France, du Grand Est, de la région Paca et en Corse. Dans les départements d’Outre-mer également où Macron l’avait emporté en 2017. Cette fois Marine Le Pen arrive largement en tête aux Antilles, à la Réunion, en Guyane et à Mayotte où elle recueille 60% des voix, avec le taux record de 69,60% en Guadeloupe. Quelle belle leçon ont donné les ultramarins à ceux qui voient dans le RN un parti raciste !
Tout cela est de fort bon augure pour les élections législatives des 12 et 19 juin prochains. Le troisième tour pourrait en effet rebattre les cartes. Les projections faites à partir des résultats de la présidentielle annoncent un bouleversement des rapports de force. Les Républicains perdraient un grand nombre de leurs élus, tandis que les Verts et les communistes ne seraient pas en mesure de constituer un groupe parlementaire de 15 députés. A l’inverse le Rassemblement national verrait sa représentation à l’Assemblée nationale passer de sept députés actuellement à une fourchette comprise entre 75 et 105 élus. Il deviendrait ainsi la principale force d’opposition à la majorité présidentielle. A condition que les électeurs patriotes restent mobilisés !