Opération mains propres dans le Var. Hubert Falco, le tout-puissant maire de Toulon vient d’être condamné à cinq ans d’inéligibilité par le tribunal correctionnel de Marseille. Un coup de tonnerre dans le Landerneau politique varois qui intervient six mois après la condamnation pour détournement de fonds publics de Marc Giraud, président du conseil départemental.
Que reproche-t-on au maire de Toulon ? Ô une peccadille ! Hubert Falco était poursuivi pour avoir bénéficié des années durant de la cantine du département. Des repas pris sur place ou à emporter mais aussi d’un service de pressing destiné au personnel protocolaire. Un préjudice évalué à 64 500 euros. « Le tribunal a bien conscience que ce n’est pas quelque chose qui en termes de montants, était de nature à mettre en péril les finances de la collectivité » a expliqué Céline Ballerini, la présidente du tribunal, avant d’ajouter concernant les faits reprochés « par leur petitesse, vous avez témoigné d’un manque évident de respect des institutions ». Eh oui, les élus doivent se montrer exemplaires s’ils veulent être respectés par leurs administrés. C’est ce qu’à tenu à souligner le tribunal en condamnant le maire de Toulon à une peine de trois ans d’emprisonnement avec sursis en plus de la saisie d’une somme de 55 000 euros sur un de ses comptes bancaires. Immédiatement exécutoire cette condamnation prive en effet Hubert Falco de l’ensemble de ses mandats. Ancien ministre et ancien sénateur, maire de Toulon depuis plus de vingt ans, il présidait la Métropole Toulon-Provence-Méditerranée. Il était également à la tête de l’association des maires du Var.
Un véritable séisme
Cette sanction judiciaire lourde qui met fin brutalement à la carrière d’un responsable politique de premier plan est ressentie comme un véritable séisme dans un département qui a été secoué par les affaires de corruption, d’abus de biens sociaux, et de trafic d’influence depuis des décennies.Des magouilles qui ont parfois tourné à la tragédie comme dans l’affaire Yann Piat restée dans toutes les mémoires. Hasard du calendrier ? Elle survient six mois après la condamnation du président du conseil départemental pour détournement de fonds publics. En octobre dernier, Marc Giraud se voyait en effet privé de l’ensemble de ses mandats dans une affaire d’emploi fictif alors qu’il était maire de Carqueiranne. Le tribunal correctionnel de Marseille à de nouveau condamné ce dernier à cinq ans d’inéligibilité une peine assortie de deux ans de prison avec sursis et 15000 euros d’amende pour avoir accordé ces avantages indus à celui qui avait présidé le conseil départemental entre 1994 et 2002.
A ce rythme c’est la quasi totalité de la classe politique varoise qui risque de devoir rendre des comptes à la justice dans les années qui viennent. Quel maire, quel élu départemental, quel député n’a pas profité peu ou prou de son statut pour s’octroyer des privilèges ? Alors, face à l’adversité, on se serre les coudes. Les messages de soutien, les témoignages de solidarité et d’affection des uns et des autres en sont la preuve : « Beaucoup de nos concitoyens rêveraient d’avoir un jour un maire comme Hubert Falco pour servir leur commune et assurer l’avenir de leurs enfants » écrivent Renaud Muselier et Christian Estrosi respectivement président et vice-président de la Région Paca. D’autres comme Jean-Louis Masson qui préside le conseil départemental du Var lui trouvent des excuses : « Les élus sont faits de chair et d’os. On est des humains. Personne n’est à l’abri d’une erreur » soutient-il. Le département n’a d’ailleurs pas demandé au maire destitué de rembourser tout ou partie de la somme estimée à 64 500 euros pour la seule période 2015-2018 retenue par la justice. Le contribuable varois appréciera !
Si l’on peut se féliciter de l’action de la justice dont on déplore trop souvent le laxisme il faut souligner que c’est à la suite d’un signalement du syndicat UNSA en janvier 2019 que l’affaire a démarré. L’ancien responsable de la cuisine du département, Laurent Defraize, avait dénoncé auprès de son syndicat les abus dont il avait été le témoin. Des accusations relayées par la presse. Mais on ne s’attaque pas impunément à des personnalités politiques très influentes. Celles-ci disposent de relais et de moyens de pression pour faire taire les lanceurs d’alerte. Méchamment et injustement mis en cause, « plongé dans une profonde détresse », selon Me Alain-David Pothet, l’avocat de l’association Anticor qui s’était constitué partie civile, Laurent Defraize mettait fin à ses jours le 11 mars 2020. Sans lui l’affaire n’aurait jamais été rendue publique. Il est juste de rendre hommage à sa mémoire.